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Les granits gris à petits grains, et qu’on appelle granitelli, contiennent moins de feldspath que les granits rouges ; et ce feldspath, au lieu d’y être en gros cristaux rhomboïdaux, n’y paraît ordinairement qu’en petites molécules sans forme déterminée. Néanmoins, on connaît une espèce de granit gris à grandes taches blanches parallélipipèdes, et la matière de ces taches, dit M. Ferber[1], tient le milieu entre le schorl et le spath dur (feldspath). Il y a aussi des granits gris qui renferment, au lieu de mica ordinaire, du mica de schorl.

Nous devons observer ici que le granit noir et blanc, qui n’a que peu ou point de particules de feldspath, mais de grandes taches noires oblongues de la nature du schorl, ne serait pas un véritable granit si le feldspath y manque, et si, comme le croit M. Ferber, ces taches de schorl noir remplacent le mica ; d’autant que les rayons du schorl noir « y sont, dit-il, en telle abondance, si grands, si serrés… qu’ils paraissent faire le fond de la pierre. » Et à l’égard du granit vert de M. Ferber, dont le fond est blanc verdâtre avec de grandes taches noires oblongues, et qu’il dit être de la même nature du schorl, et des prétendus porphyres à fond vert de la nature du trapp dont nous avons parlé d’après lui[2], nous présumons qu’on doit plutôt les regarder comme des productions volcaniques que comme de vrais granits ou de vrais porphyres de nature.

Les basaltes qu’on appelle antiques, et les basaltes modernes, ont également été produits par le feu des volcans, puisqu’on trouve dans les basaltes égyptiens les mêmes cristaux de schorl en grenats blancs et de schorl noir en rayons et feuillets, que dans les laves ou basaltes modernes et récents ; que, de plus, le basalte noir, qu’on nomme mal à propos basalte oriental, est mêlé de petites écailles blanches de la nature du schorl, et que sa fracture est absolument pareille à celle de la lave du Monte Albano ; qu’un autre basalte noir antique, dont on a des statues, est rempli de petits cristaux en forme de grenats, et présente quelques feuilles brillantes de schorl noir ; qu’un autre basalte noir antique est mêlé de petites parties de quartz, de feldspath et de mica, et serait par con-

    de schorl vitreux, transparent, pareil à celui des cristaux en forme de grenats des laves du Vésuve ; mais le schorl du porphyre n’a point adopté de figure régulière : même les taches transparentes blanches, qui sont dans le porphyre noir du no 1, sont un schorl vitreux, et leur forme est ou oblongue ou indéterminée. En général, la ressemblance de ces espèces de porphyre avec les différentes laves du Vésuve, etc., est si grande, que l’œil le plus habitué ne saurait les distinguer, et je n’hésite plus d’avancer que les montagnes de porphyre qui sont derrière Newmarck sont de vraies laves, sans cependant vouloir tirer de là une conclusion générale sur la formation des porphyres : une circonstance que j’aurais presque oubliée m’en donne de nouvelles preuves. Toutes ces montagnes de porphyre sont composées de colonnes quadrangulaires, pour la plupart rhomboïdales, détachées, ou encore attenantes les unes aux autres : ce porphyre a donc la qualité d’adopter cette figure en se fendant et se rompant, comme différentes laves ont la propriété de se cristalliser en colonnes de basalte. Ces hautes montagnes de porphyre de différente couleur s’étendent jusqu’à Bandrol, d’abord à main droite seulement, ensuite des deux côtés du chemin. Ce porphyre s’est partout séparé en grandes ou petites colonnes, généralement quadrangulaires, à sommet tronqué et uni ; les faces qui touchent d’autres colonnes sont lisses ; leur figure enfin est si régulière et si exacte, que personne ne saurait la regarder comme accidentelle : il faut nécessairement convenir que ces colonnes sont dues à une cristallisation ; les angles des sommets tronqués sont pour la plupart inclinés, ou le diamètre des colonnes est communément rhomboïdal ; mais quelques-unes ont la figure de vrais parallélipipèdes rectangles, de la longueur d’un doigt jusqu’à celle d’une aune et demie de Suède, et d’un quart d’aune et plus de diamètre. Il y a beaucoup de ces grandes colonnes plantées sur la chaussée, comme la lave en colonne ou le basalte l’est aux environs de Bolzano. » Lettres de M. Ferber, p. 487 et suiv.

  1. Lettres sur la Minéralogie, p. 346 et 481.
  2. Voyez l’article du porphyre.