Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

homogènes se sont séparées du reste du mélange et se sont réunies en petites masses, et quand il s’en est trouvé une plus grande quantité, il en a résulté des cristaux plus grands. Ce naturaliste dit, avec raison, qu’en général les minéraux sont disposés à adopter des figures déterminées dans la fluidité de fusion par le feu, comme dans la fluidité humide ; et nous ne devons pas être étonnés qu’il se forme des cristaux dans les laves, tandis qu’il ne s’en voit aucun dans nos verres factices ; car la lave, coulant lentement et formant de grandes masses très épaisses, conserve à l’intérieur son état de fusion assez longtemps pour que la cristallisation s’opère : il ne faut dans le verre, dans le fer et dans toute autre matière fondue, que du repos et du temps pour qu’elle se cristallise ; et je suis persuadé qu’en tenant longtemps en fonte celle de nos verres factices, il pourrait s’y former des cristaux fort semblables à ceux qui peuvent se trouver dans les laves des volcans[1].

    cendres ; ils sont attirables par l’aimant, soit qu’ils aient eux-mêmes cette propriété, soit qu’ils la doivent au sable ferrugineux avec lequel ils sont mêlés.

    » Du schorl vert foncé et noirâtre ou clair, couleur de chrysolithe et d’émeraude : il est renfermé dans une lave noire compacte. Il y en a de la grandeur d’un pouce ; il a la dureté d’un vrai schorl, ou tout au plus celle d’un cristal de quartz coloré, avec la figure duquel il a du rapport ; néanmoins les Napolitains le qualifient de pierre précieuse, ainsi que l’espèce suivante.

    » Du schorl hexagone jaunâtre, couleur de hyacinthe ou de topaze…

    » Qu’on examine avec la loupe la lave noire la plus ferme et la plus compacte, on n’y découvrira que de petits points ou cristaux de schorl blanc ; ce qui prouve qu’ils sont une partie intégrante, et même essentielle de la lave. » Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 200 jusqu’à 230.

  1. J’avais deviné juste, puisque je viens de voir dans le journal de M. l’abbé Rozier, du mois de septembre 1779, que M. James Keir a observé cette cristallisation dans du verre qui s’était solidifié très lentement. « La forme, dit-il, la régularité et la grandeur des cristaux ont varié selon les circonstances… Les échantillons no 1 ont été pris au fond d’un grand pot, qui était resté dans un fourneau de verrerie pendant qu’on laissait éteindre lentement le feu ; la masse de la matière chauffée était si grande, que la chaleur dura longtemps sans ajouter du chauffage, et que la concrétion du verre fut très longue. Je trouvai la partie supérieure du verre changée en une matière blanche, opaque, ou plutôt demi-opaque, dont la couleur et le tissu ressemblaient à une espèce de verre de Moscovie ; sous cette croûte, qui avait un pouce d’épaisseur ou davantage, le verre était transparent, quoique fort obscurci, et devenu d’un gros bleu, d’un vert foncé qu’il était. On trouvait sur ce verre plusieurs cristaux blancs opaques, qui avaient généralement la forme d’un solide vu de côté… Leur surface se termine par des lignes plutôt elliptiques que circulaires, disposées de manière qu’une section transversale du cristal est un hexagone… On voit au milieu de chaque base du cristal une cavité conique… La grandeur des cristaux contigus ou voisins les uns des autres ne différait pas beaucoup, quoique celle de ceux qui se trouvaient à différentes profondeurs du même pot le fût considérablement : leur plus grand diamètre était d’environ un vingtième de pouce… Ils ne sont pas tous exactement configurés ; mais la plupart ont une régularité si frappante, qu’on ne peut douter que la cristallisation ne soit parfaite.

    » Le verre marqué no 2 offre une autre espèce de cristallisation : je l’ai pris au fond d’un pot qui avait été tiré du fourneau pendant que le verre était rouge. Il y a deux sortes de cristaux : les uns sont des colonnes hautes d’environ un huitième de pouces, larges d’un cinquième de leur hauteur, et irrégulièrement cannelées ou sillonnées de rainures ; les autres… ont leurs bases presque du même diamètre que les précédents, mais leur hauteur est beaucoup moindre, et ne fait qu’environ un sixième de leur largeur. Leurs bases se terminent par des lignes qui paraissent déchirées et irrégulières ; mais plusieurs tendent à une forme hexagone dont la régularité peut avoir été troublée par le mouvement du verre fondu, qui, en tirant le pot du fourneau, aura forcé et plié ces cristaux très minces pendant qu’ils étaient chauds et flexibles.