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bancs et les rochers calcaires qui d’ordinaire les surmontent ; mais ils n’ont pas pensé que ces schistes et ces pierres calcaires avaient, pour base commune, des voûtes de cavernes dont la cavité était en tout ou en partie remplie de terre végétale, de pyrites, de bitume, de charbon et de toutes les substances nécessaires à l’entretien du feu ; que, par conséquent, ces foyers de volcan ne peuvent pas être à de plus grandes profondeurs que celle où les eaux de la mer ont entraîné et déposé les matières végétales des premiers âges, et que par la même conséquence les schistes et pierres calcaires qui surmontent le foyer du volcan n’ont d’autre rapport avec son feu que de lui servir de cheminée ; que, de même, la plupart des substances, telles que les soufres, les bitumes et nombre d’autres minéraux sublimés ou projetés par le feu du volcan, ne doivent leur origine qu’aux matières végétales et aux pyrites qui lui servent d’aliment ; qu’enfin la terre végétale étant la vraie matrice de la plupart des minéraux figurés qui se trouvent à la surface et dans les premières couches du globe, elle est aussi la base de presque tous les produits immédiats de ce feu des volcans.

Suivons ces produits en détail, d’après le rapport de nos meilleurs observateurs, et donnons des exemples de leur mélange avec les matières anciennes. On voit, au monte Ronca et en plusieurs autres endroits du Vicentin, des couches entières d’un mélange de laves et de marbre, ou de pierres calcaires réunies en une sorte de brèche, à laquelle on peut donner le nom de brèche volcanique ; on trouve un autre marbre-lave dans une grande fente perpendiculaire d’un rocher calcaire, laquelle descend jusqu’à l’Astico, torrent impétueux, et ce marbre, qui ressemble à la brèche africaine, est composé de lave noire et de morceaux de marbre blanc dont le grain est très fin, et qui prend parfaitement le poli. Cette lave en brocatelle ou en brèche n’est point rare ; on en trouve de semblables dans la vallée d’Erio-fredo, au-dessus de Tonnesa[1], et dans nombre d’autres endroits des terrains volcanisés de cette contrée : ces marbres-laves varient tant par les couleurs de la lave que par les matières calcaires qui sont entrées dans leur composition.

Les laves du pays de Tresto sont noires et remplies, comme presque toutes les laves, de cristallisations blanches à beaucoup de facettes de la nature du schorl auxquelles on pourrait donner le nom de grenats blancs : ces petits cristaux de grenats ou schorls blancs ne peuvent avoir été saisis que par la lave en fusion, et n’ont pas été produits dans cette lave même par cristallisation, comme semble l’insinuer M. Ferber en disant « qu’ils sont d’une nature et d’une figure qui ne s’est vue jusqu’ici dans aucun terrain de notre globe, sinon dans la lave, et que leur nombre y est prodigieux. On trouve, ajoute-t-il, au milieu de la lave différentes espèces de cailloux qui font feu avec l’acier, telles que des pierres à fusil, des jaspes, des agates rouges, noires, blanches, verdâtres et de plusieurs autres couleurs, des hyacinthes, des chrysolithes, des cailloux de la nature des calcédoines, et des opales qui contiennent de l’eau[2]. » Ces derniers faits confirment ce que nous venons de dire au sujet des cristaux de schorl qui, comme les pierres précédentes, ont été enveloppés dans la lave.

Toutes les laves sont plus ou moins mêlées de particules de fer ; mais il est rare d’y voir d’autres métaux, et aucun métal ne s’y trouve en filons réguliers et qui aient de la suite ; cependant le plomb et le mercure en cinabre, le cuivre et même l’argent, se rencontrent quelquefois en petite quantité dans certaines laves : il y en a aussi qui renferment des pyrites, de la manganèse, de la blende, et de longues et brillantes aiguilles d’antimoine[3].

  1. Lettres de M. Ferber, p. 67.
  2. Lettres de M. Ferber, p. 70, 73 et 80. On achète souvent à Naples des verres artificiels au lieu de pierres précieuses du Vésuve, qui sont des variétés de schorl de diverses couleurs qui sortent de ce volcan. Idem, ibidem, p. 146.
  3. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 85 et 86.