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des basaltes ressemblant aux porphyres ; des laves vitreuses presque aussi dures que l’agate, et auxquelles on a donné, quoique très improprement, le nom d’agate noire d’Islande ; d’autres laves qui renferment des grenats blancs, des schorls et des chrysolithes, etc. On trouve donc un grand nombre de substances anciennes et nouvelles, pures ou dénaturées dans les basaltes, dans les laves, et même dans la pouzzolane et dans les cendres des volcans. « Le monte Berico près de Vicence, dit M. Ferber, est une colline entièrement formée de cendres de volcan d’un brun noirâtre, dans lesquelles se trouve une très grande quantité de cailloux de calcédoine ou opale : les uns formant des druses dont les parois peuvent avoir l’épaisseur d’un brin de paille, les autres ayant la figure de petits cailloux elliptiques, creux intérieurement, et quelquefois remplis d’eau ; la grandeur de ces derniers varie depuis le diamètre d’un petit pois jusqu’à un demi-pouce… Ces cailloux ressemblent assez aux calcédoines et aux opales : les boules de calcédoine et de zéolithe de Féroé et d’Islande se trouvent nichées dans une terre d’un brun noirâtre, de la même manière que les cailloux dont il est ici question[1]. »

Mais, quoiqu’on trouve dans les produits ou dans les éjections des volcans presque toutes les matières brutes ou minérales du globe, il ne faut pas s’imaginer que le feu volcanique les ait toutes produites, à beaucoup près ; et je crois qu’il est toujours possible de distinguer, soit par un examen exact, soit par le rapport des circonstances, une matière, produite par le feu secondaire des volcans, de toutes les autres qui ont été précédemment formées par l’action du feu primitif ou par l’intermède de l’eau. De la même manière que nous pouvons imiter dans nos fourneaux toutes les pierres précieuses[2], que nous faisons des verres de toutes couleurs, et même aussi blancs que le cristal de roche[3], et presque aussi brillants que le diamant[4] ; que dans ces mêmes fourneaux nous voyons se former des cristallisations sur les matières fondues lorsqu’elles sont en repos et que le feu est longtemps soutenu, nous ne pouvons douter que la nature n’opère les mêmes effets avec bien plus de puissance dans ses foyers immenses, allumés depuis nombre de siècles, entretenus sans interruption et fournis, suivant les circonstances, de toutes les matières dont nous nous servons pour nos compositions. Il faut donc, en examinant les matières volcaniques, que le naturaliste fasse comme le lapidaire, qui rejette au premier coup d’œil et sépare les stras, et autres verres de composition, des vrais diamants et des pierres précieuses ; mais le naturaliste a ici deux grands désavantages : le premier est d’ignorer ce que peut faire et produire un feu dont la véhémence et la continuité ne peuvent être comparées avec celles de nos feux ; le second est l’embarras où il se trouve pour distinguer dans ces mêmes matières volcaniques celles qui, étant vraies substances de nature, ont néanmoins été plus ou moins altérées, déformées ou fondues par l’action du feu, sans cependant être entièrement transformées en verres ou en matières nouvelles ; cependant, au moyen d’une inspection attentive, d’une comparaison exacte et de quelques expériences faciles sur la nature de chacune de ces matières, on peut espérer de les reconnaître assez pour les rapporter aux substances naturelles, ou pour les en séparer et les joindre aux compositions artificielles, produites par le feu de nos fourneaux.

Quelques observateurs, émerveillés des prodigieux effets produits par ces feux souterrains, ayant sous leurs yeux les gouffres et les montagnes formées par leurs éruptions,

    car rien n’est si commun que des verres bleus dans les laitiers de nos fourneaux où l’on fond les mines de fer : ainsi ces mêmes verres se doivent trouver dans les produits des volcans.

  1. Lettres de M. Ferber sur la Minéralogie, p. 24 et 25.
  2. Voyez l’ouvrage de M. de Fontanieu, de l’Académie des sciences, sur la Manière d’imiter toutes les pierres précieuses.
  3. Le verre ou cristal de Bohème, le flintglass, etc.
  4. Les verres brillants, connus vulgairement sous le nom de stras.