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qu’on dit être formé par la voie humide, ne se produit qu’au moyen d’une forte effervescence dont la grande chaleur équivaut à l’action du feu : le soufre ne pouvait en effet exister avant la décomposition des êtres organisés et la conversion de leurs détriments en pyrites, puisque sa substance ne contient que l’acide et le feu qui s’était fixé dans les végétaux ou animaux, et qu’elle se forme par la combustion de ces mêmes pyrites, déjà remplies du feu fixe qu’elles ont tiré des corps organisés ; le sel ammoniac se formera et se sublimera de même par le feu du volcan ; les matières végétales ou animales contenues dans la terre limoneuse, et particulièrement dans les terreaux, les charbons de terre, les bois fossiles et les tourbes, fourniront cette cendre qui sert de fondant pour la vitrification des laves ; les matières calcaires, d’abord calcinées et réduites en poussière de chaux, sortiront en tourbillons encore plus épais, et paraîtront comme des nuages massifs en se répandant au loin ; enfin la terre limoneuse se fondra, les argiles se cuiront, les grès se coaguleront, le fer et les autres métaux couleront, les granits se liquéfieront, et des unes ou des autres de ces matières, ou du mélange de toutes, résultera la composition des laves, qui dès lors doivent être aussi différentes entre elles que le sont les matières dont elles sont composées.

Et non seulement ces laves contiendront les matières liquéfiées, fondues, agglutinées et calcinées par le feu ; mais aussi les fragments de toutes les autres matières qu’elles auront saisies et ramassées en coulant sur la terre, et qui ne seront que peu ou point altérées par le feu ; enfin elles renfermeront encore, dans leurs interstices et cavités, les nouvelles substances que l’infiltration et la stillation de l’eau aura produites avec le temps en les décomposant, comme elle décompose toutes les autres matières.

La cristallisation, qu’on croyait être le caractère le plus sûr de la formation d’une substance par l’intermède de l’eau, n’est plus qu’un indice équivoque, depuis qu’on sait qu’elle s’opère par le moyen du feu comme par celui de l’eau : toute matière liquéfiée par la fusion donnera, comme les autres liquides, des cristallisations ; il ne leur faut pour cela que du temps, de l’espace et du repos ; les matières volcaniques pourront donc contenir des cristaux, les uns formés par l’action du feu, et les autres par l’infiltration des eaux ; les premiers dans le temps que ces matières étaient encore en fusion, et les seconds longtemps après qu’elles ont été refroidies. Le feldspath est un exemple de la cristallisation par le feu primitif, puisqu’on le trouve cristallisé dans les granits qui sont de première formation. Le fer se trouve souvent cristallisé dans les mines primordiales, qui ne sont que des rochers de pierres ferrugineuses attirables à l’aimant, et qui ont été formées comme les autres grandes masses vitreuses par le feu primitif : ce même fer se cristallise sous nos yeux par un feu lent et tranquille ; il en est de même des autres métaux et de tous les régules métalliques. Les matières volcaniques pourront donc renfermer ou présenter au dehors toutes ces substances cristallisées par le feu : ainsi je ne vois rien dans la nature, de tout ce qui a été formé par le feu ou par l’eau, qui ne puisse se trouver dans le produit des volcans, et je vois en même temps que leurs feux ayant combiné beaucoup plus de substances que le feu primitif, ils ont donné naissance au soufre et à quelques autres minéraux qui n’existent qu’en vertu de cette seconde action du feu. Les volcans ont formé des verres de toutes couleurs dont quelques-uns sont d’un beau bleu céleste, et ressemblent à une scorie ferrugineuse[1] ; d’autres verres aussi fusibles que le feldspath ;

  1. Je vis à Venise, chez M. Morosini, l’agate noire d’Islande (cronstedt minéral, § 295), et un verre bleu céleste, qui ressemblait si fort à une espèce de scorie de fer bleu que je ne pouvais me persuader que ce fût autre chose ; mais différents connaisseurs dignes de foi m’assurent unanimement qu’on trouvait en abondance de ces verres bleus et noirs parmi les matières volcaniques du Véronais, du Vicentin et d’Azulano, dans l’État vénitien. Lettres de M. Ferber, p. 33 et 34. — Je dois observer que ces verres bleus, auxquels M. Ferber et M. le baron de Dietrich semblent donner une attention particulière, ne la méritent pas,