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de variétés, dans le règne minéral, que n’en offre le reste de la terre dont les parties solides n’ayant souffert que l’action du premier feu, et ensuite le travail des eaux, ont conservé plus de simplicité : les caractères imprimés par ces deux éléments, quoique difficiles à démêler, se présentent néanmoins avec des traits mieux prononcés ; au lieu que dans les matières volcaniques, la substance, la forme, la consistance, tout, jusqu’aux premiers linéaments de la figure, est enveloppé, ou mêlé, ou détruit, et de là vient l’obscurité profonde où se trouve jusqu’à ce jour la minéralogie des volcans.

Pour en éclaircir les points principaux, il nous paraît nécessaire de rechercher d’abord quelles sont les matières qui peuvent produire et entretenir ce feu, tantôt violent, tantôt calme et toujours si grand, si constant, si durable, qu’il semble que toutes les substances combustibles de la surface de la terre ne suffiraient pas pour alimenter pendant des siècles une seule de ces fournaises dévorantes ; mais, si nous nous rappelons ici que tous les végétaux produits pendant plusieurs milliers d’années ont été entraînés par les eaux et enfouis dans les profondeurs de la terre, où leurs huiles converties en bitumes les ont conservés ; que toutes les pyrites formées en même temps à la surface de la terre ont suivi le même cours et ont été déposées dans les profondeurs où les eaux ont entraîné la terre végétale ; qu’enfin la couche entière de cette terre, qui couvrait dans les premiers temps les sommets des montagnes, est descendue avec ces matières combustibles pour remplir les cavernes qui servent de voûtes aux éminences du globe, on ne sera plus étonné de la quantité et du volume, ni de la force et de la durée de ces feux souterrains. Les pyrites humectées par l’eau s’enflamment d’elles-mêmes : les charbons de terre dont la quantité est encore plus grande que celle des pyrites, les limons bitumineux qui les avoisinent, toutes les terres végétales anciennement enfouies[NdÉ 1], sont autant de dépôts inépuisables de substances combustibles dont les feux une fois allumés peuvent durer des siècles de siècles, puisque nous avons des exemples de veines de charbon de terre dont les vapeurs s’étant enflammées ont communiqué leur feu à la mine entière de ces charbons qui brûlent depuis plusieurs centaines d’années, sans interruption et sans une diminution sensible de leur masse.

Et l’on ne peut guère douter que les anciens végétaux et toutes les productions résultantes de leur décomposition n’aient été transportés et déposés par les eaux de la mer, à des profondeurs aussi grandes que celles où se trouvent les foyers des volcans, puisque nous avons des exemples de veines de charbon de terre, exploitées à deux milles lieues de profondeur[1], et qu’il est plus que probable qu’on trouverait des charbons de terre et des pyrites, enfouis encore plus profondément.

Or chacune de ces matières, qui sert d’aliment au feu des volcans, doit laisser après la combustion différents résidus, et quelquefois produire des substances nouvelles : les bitumes, en brûlant, donneront un résidu charbonneux, et formeront cette épaisse fumée qui ne paraît enflammée que dans l’obscurité. Cette fumée enveloppe constamment la tête du volcan, et se répand sur ses flancs en brouillard ténébreux ; et, lorsque les bitumes souterrains sont en trop grande abondance, il sont projetés au dehors avant d’être brûlés : nous avons donné des exemples de ces torrents de bitume vomis par les volcans, quelquefois purs et souvent mêlés d’eau. Les pyrites, dégagées de leurs parties fixes et terreuses, se sublimeront sous la forme de soufre, substance nouvelle, qui ne se trouve ni dans les produits du feu primitif, ni dans les matières formées par les eaux ; car le soufre,

  1. Voyez l’article du Charbon de terre
  1. Ce que Buffon dit ici des feux souterrains produits par la combustion des pyrites, des charbons de terre, etc., est tout à fait problématique. On ne doit pas admettre davantage les « cavernes qui servent de voûtes aux éminences du globe ».