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actuellement agissants et les volcans éteints ; mais, avec ces lumières acquises et réunies, je ne me flatte pas de donner ici la liste entière de toutes les matières produites par leurs feux, et encore moins de pouvoir présenter le tableau fidèle et complet des opérations qui s’exécutent dans ces fournaises souterraines, tant pour la destruction des substances anciennes que pour la production ou la composition des matières nouvelles.

Je crois avoir bien compris, et j’ai tâché de faire entendre[1] comment se fait la vitrification des laves dans les monceaux immenses de terres brûlées, de cendres et d’autres matières ardentes projetées par explosion dans les éruptions du volcan ; comment la lave jaillit en s’ouvrant des issues au bas de ces monceaux ; comment elle roule en torrents, ou se répand comme un déluge de feu, portant partout la dévastation et la mort ; comment cette même lave, gonflée par son feu intérieur, éclate à sa surface, et jaillit de nouveau pour former des éminences élevées au-dessus de son niveau ; comment enfin, précipitant son cours du haut des côtes dans la mer, elle forme ces colonnes de basalte qui, par leur renflement et leur effort réciproque, prennent une figure prismatique, à plus ou moins de pans suivant les différentes résistances, etc. ; ces phénomènes généraux me paraissent clairement expliqués ; et, quoique la plupart des effets particuliers en dépendent, combien n’y a-t-il pas encore de choses importantes à observer sur la différente qualité de ces mêmes laves et basaltes, sur la nature des matières dont ils sont composés, sur les propriétés de celles qui résultent de leur décomposition ? Ces recherches supposent des études pénibles et suivies : à peine sont-elles commencées ; c’est pour ainsi dire une carrière nouvelle trop vaste pour qu’un seul homme puisse la parcourir tout entière, mais dans laquelle on jugera que nous avons fait quelques pas, si l’on réunit ce que j’en ai dit précédemment à ce que je vais y ajouter[2].

Il était déjà difficile de reconnaître dans les premières matières celles qui ont été produites par le feu primitif, et celles qui n’ont été formées que par l’intermède de l’eau : à plus forte raison aurons-nous peine à distinguer celles qui, étant également des produits du feu, ne diffèrent les unes des autres qu’en ce que les premières n’ont été qu’une fois liquéfiées ou sublimées, et que les dernières ont subi une seconde et peut-être une troisième action du feu. En prenant donc en général toutes les matières rejetées par les volcans, il se trouvera dans leur quantité un certain nombre de substances qui n’ont pas changé de nature : le quartz, les jaspes et les micas doivent se rencontrer dans les laves, sous leur forme propre ou peu altérée ; le feldspath, le schorl, les porphyres et granits peuvent s’y trouver aussi, mais avec de plus grandes altérations, parce qu’ils sont plus fusibles ; les grès et les argiles s’y présenteront convertis en poudres et en verres ; on y verra les matières calcaires calcinées ; le fer et les autres métaux sublimés en safran, en litharge ; les acides et alcalis devenus des sels concrets ; les pyrites converties en soufres vifs ; les substances organisées végétales ou animales réduites en cendres ; et toutes ces matières mélangées à différentes doses ont donné des substances nouvelles, et qui paraissent d’autant plus éloignées de leur première origine qu’elles ont perdu plus de traits de leur ancienne forme.

Et si nous ajoutons à ces effets de la force du feu qui par lui-même consume, disperse et dénature, ceux de la puissance de l’eau qui conserve, rapproche et rétablit, nous trouverons encore dans les matières volcanisées des produits de ce second élément : les bancs de basalte ou de laves auront leurs stalactites comme les bancs calcaires ou les masses de granits ; on y trouvera de même des concrétions, des incrustations, des cristaux, des spaths, etc. Un volcan est à cet égard un petit univers ; il nous présentera plus

  1. Voyez tome Ier, article des Laves et des Basaltes.
  2. Voyez l’article entier des Volcans : Époques de la Nature, t. II, p. 70 et suiv., et Additions, t. Ier, p. 295 et suiv.