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DES MATIÈRES VOLCANIQUES


Sous le nom de matières volcaniques, je n’entends pas comprendre toutes les matières rejetées par l’explosion des volcans, mais seulement celles qui ont été produites ou dénaturées par l’action de leurs feux : un volcan dans une grande éruption, annoncée par les mouvements convulsifs de la terre, soulève, détache et lance au loin les rochers, les sables, les terres, toutes les masses en un mot qui s’opposent à l’exercice de ses forces ; rien ne peut résister à l’élément terrible dont il est animé ; l’océan de feu qui lui sert de base agite et fait trembler la terre avant de l’entr’ouvrir ; les résistances qu’on croirait invincibles sont forcées de livrer passage à ses flots enflammés ; ils enlèvent avec eux les bancs entiers ou en débris des pierres les plus dures, les plus pesantes, comme les couches de terre les plus légères ; et projetant le tout sans ordre et sans distinction, chaque volcan forme, au-dessus ou autour de sa montagne, des collines de décombres de ces mêmes matières, qui faisaient auparavant la partie la plus solide et le massif de sa base.

On retrouve, dans ces amas immenses de matières projetées, les mêmes sortes de pierres vitreuses ou calcaires, les mêmes sables et terres dont les unes n’ayant été que déplacées et lancées sont demeurées intactes, et n’ont reçu aucune atteinte de l’action du feu ; d’autres qui en ont été sensiblement altérées, et d’autres enfin qui ont subi une si forte impression du feu, et souffert un si grand changement, qu’elles ont pour ainsi dire été transformées, et semblent avoir pris une nature nouvelle et différente de celle de toutes les matières qui existaient auparavant.

Aussi avons-nous cru devoir distinguer dans la matière purement brute deux états différents, et en faire deux classes séparées[1] : la première composée des produits immédiats du feu primitif, et la seconde des produits secondaires de ces foyers particuliers de la nature dans lesquels elle travaille en petit comme elle opérait en grand dans le foyer général de la vitrification du globe ; et même ses travaux s’exercent sur un plus grand nombre de substances, et sont plus variés dans les volcans qu’ils ne pouvaient l’être dans le feu primitif, parce que toutes les matières de seconde formation n’existaient pas encore, les argiles, la pierre calcaire, la terre végétale n’ayant été produites que postérieurement par l’intermède de l’eau, au lieu que le feu des volcans agit sur toutes les substances anciennes ou nouvelles, pures ou mélangées, sur celles qui ont été produites par le feu primitif, comme sur celles qui ont été formées par les eaux, sur les substances organisées et sur les masses brutes ; en sorte que les matières volcaniques se présentent sous des formes bien plus diversifiées que celles des matières primitives.

Nous avons recueilli et rassemblé pour le Cabinet du Roi une grande quantité de ces productions de volcans : nous avons profité des recherches et des observations de plusieurs physiciens, qui, dans ces derniers temps, ont soigneusement examiné les volcans

  1. Voyez le premier article de cette histoire des Minéraux.