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autres semblables : j’ai vu, dans les derniers bancs de plusieurs carrières de pierre et de marbre, des pyrites en petites masses et en grand nombre, la plupart plates et arrondies, d’autres anguleuses, d’autres à peu près sphériques, etc. J’ai vu qu’au-dessous de ce dernier banc de pierre calcaire qui était situé sous les autres, à plus de cinquante pieds de profondeur, et qui portait immédiatement sur la glaise, il s’était formé un petit lit de pyrites aplaties, entre la pierre et la glaise ; j’en ai vu de même dans l’argile à d’assez grandes profondeurs, et j’ai suivi, dans cette argile, la trace de la terre végétale avec laquelle la matière pyriteuse était descendue par la filtration des eaux. L’origine des pyrites martiales, en quelque lieu qu’elles se trouvent, me paraît donc bien constatée : elles proviennent, dans la terre végétale, des détriments des corps organisés lorsqu’ils se rencontrent avec l’acide, et elles se trouvent partout où ces détriments ont été transportés anciennement par les eaux de la mer, ou infiltrés dans des temps plus modernes par les eaux pluviales[1].

Comme les pyrites ont un poids presque égal à celui d’un métal, qu’elles ont aussi le luisant métallique, qu’enfin elles se trouvent quelquefois dans les terrains voisins des mines de fer, on les a souvent prises pour de vraies mines ; cependant il est très aisé de ne s’y pas méprendre, même à la première inspection, car elles sont toutes d’une figure décidée, quoique irrégulière et souvent différente ; d’ailleurs, on ne les trouve guère mêlées en quantité avec la mine de fer en grains ; s’il s’en rencontre dans les mines de fer en grandes masses, elles s’y sont formées comme dans les bancs de pierre, par la filtration des eaux ; elles sont aussi plus dures que les mines de fer, et lorsqu’on les mêle au fourneau, elles les dénaturent et les brûlent au lieu de les faire fondre. Elles ne sont pas disposées comme les mines de fer en amas ou en couches, mais toujours dispersées, ou du moins séparées les unes des autres même dans les petits lits où elles sont le plus contiguës.

Lorsqu’elles se trouvent amoncelées dans le sein de la terre, et que l’humidité peut arriver à leur amas, elles produisent les feux souterrains dont les grands effets nous sont représentés par les volcans, et les moindres effets par la chaleur des eaux thermales, et par les sources de bitume fluide que cette chaleur élève par distillation.

La pyrite, qui paraît n’être qu’une matière ingrate et même nuisible, est néanmoins l’un des principaux instruments dont se sert la nature pour reproduire le plus noble de tous ses éléments : elle a renfermé dans cette matière vile le plus précieux de ses trésors, ce feu fixe, ce feu sacré qu’elle avait départi aux êtres organisés, tant par l’émission de la lumière du soleil que par la chaleur douce dont jouit en propre le globe de la terre.

Je renvoie aux articles suivants ce que nous avons à dire, tant au sujet des marcassites, que sur les pyrites jaunes cuivreuses, les blanches arsenicales, les galènes du plomb, et en général sur les minerais métalliques, dont la plupart ne sont que des pyrites plus ou moins mêlées de métal.


  1. Dans la chaîne des collines d’Alais, M. l’abbé de Sauvages a observé une grande quantité de pyrites : « Elles sont, dit-il, principalement composées d’une matière inflammable, d’un acide vitriolique et d’une terre vitrifiable et métallique qui leur donne une si grande dureté qu’on en tire des étincelles avec le fusil lorsque la terre métallique est ferrugineuse.

    » Cette matière dissoute, qui forme les pyrites, a suivi dans nos rochers des routes pareilles à celles des sucs pierreux ordinaires :

    » 1o Elle a pénétré intimement les pores de la pierre, et, quoiqu’on ne l’y distingue pas toujours dans les cassures, on ne peut pas douter de sa présence par l’odeur que donnent les pierres qu’on a fait calciner à demi ;

    » 2o Elle s’est épanchée et cristallisée dans les veines qu’on prendrait pour de petits filons métalliques.

    » Lorsque le suc pyriteux a été plus abondant et qu’il a rencontré des cavités ou des fentes assez larges pour n’y point être gêné, il s’est répandu comme les sucs pierreux dans ces fentes, il s’y est cristallisé d’une façon régulière. » Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1746, p. 732 jusqu’à 740.