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s’effleurit à l’air, et bientôt se décompose en entier : la décomposition s’en fait par une effervescence accompagnée de tant de chaleur, que ces pyrites amoncelées, soit par la main de l’homme, soit par celle de la nature, prennent feu d’elles-mêmes dès qu’elles sont humectées, ce qui démontre qu’il y a dans la pyrite une grande quantité de feu fixe, et, comme cette matière du feu ne se manifeste sous une forme solide que quand elle est saisie par l’acide, il faut en conclure que la pyrite renferme également la substance du feu fixe et celle de l’acide ; mais, comme la pyrite elle-même n’a pas été produite par l’action du feu, elle ne contient point de soufre formé, et ce n’est que par la combustion qu’elle peut en fournir[1] ; ainsi l’on doit se borner à dire que les pyrites contiennent les principes dont le soufre se forme par le moyen du feu, et non pas affirmer qu’elles contiennent du soufre tout formé : ces deux substances, l’une de feu, l’autre d’acide, sont dans la pyrite intimement réunies et liées à une terre, souvent calcaire, qui leur sert de base, et qui toujours contient une plus ou moins grande quantité de fer ; ce sont là les seules substances dont la pyrite martiale est composée ; elles concourent par leur mélange et leur union intime à lui donner un assez grand degré de dureté pour étinceler contre l’acier ; et comme la matière du feu fixe provient des corps organisés, les molécules organiques, que cette matière a conservées, tracent dans ce minéral les premiers linéaments de l’organisation en lui donnant une forme régulière, laquelle, sans être déterminée à telle ou telle figure, est néanmoins toujours achevée régulièrement, en sphères, en ellipses, en prismes, en pyramides, en aiguilles, etc., car il y a des pyrites de toutes ces formes différentes, selon que les molécules organiques contenues dans la matière du feu ont par leur mouvement tracé la figure et le plan sur lequel les particules brutes ont été forcées de s’arranger.

La pyrite est donc un minéral de figure régulière et de seconde formation, et qui n’a pu exister avant la naissance des animaux et des végétaux : c’est un produit de leurs détriments plus immédiat que le soufre, qui, quoiqu’il tire sa première origine de ces mêmes détriments des corps organisés, a néanmoins passé par l’état de pyrite, et n’est devenu soufre que par l’effervescence ou la combustion : or l’acide, en se mêlant avec les huiles grossières des végétaux, les convertit en bitume, et, saisissant de même les parties subtiles du feu fixe que ces huiles renfermaient, il en compose les pyrites en s’unissant à la matière ferrugineuse qui lui est plus analogue qu’aucune autre, par l’affinité qu’a le fer avec ces deux principes du soufre ; aussi les pyrites se trouvent-elles sur toute la surface de la terre jusqu’à la profondeur où sont parvenus les détriments des corps organisés, et la matière pyriteuse n’est nulle part plus abondante que dans les endroits qui en contiennent les détriments, comme dans les mines de charbon de terre, dans les couches de bois fossiles, et même dans l’argile, parce qu’elle renferme les débris des coquillages et tous les premiers détriments de la nature vivante au fond des mers. On trouve de même des pyrites sous la terre végétale dans les matières calcaires, et dans toutes celles où l’eau pluviale peut déposer la terre limoneuse et les autres détriments des corps organisés.

La force d’affinité qui s’exerce entre les parties constituantes des pyrites est si grande, que chaque pyrite a sa sphère particulière d’attraction ; elles se forment ordinairement en petits morceaux séparés, et on ne les trouve que rarement en grands bancs ni en veines continues[2], mais seulement en petits lits, sans être réunies ensemble, quoiqu’à peu

  1. On pourra dire que la combustion n’est pas toujours nécessaire pour produire du soufre, puisque les acides séparent le même soufre, tant des pyrites que des compositions artificielles dans lesquelles on a fait entrer le soufre tout formé ; mais cette action des acides n’est-elle pas une sorte de combustion, puisqu’ils n’agissent que par le feu qu’ils contiennent ?
  2. Il y a dans le comté d’Alais, en Languedoc, une masse de pyrites de quelques lieues d’étendue, sur laquelle on a établi deux manufactures de vitriol : il y a aussi près de Saint-Dizier, en Champagne, un banc de pyrites martiales dont on ne connaît pas l’étendue, et ces pyrites en masses continues sont posées sur un banc de grès.