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acquièrent seulement la propriété de luire dans les ténèbres, et pendant la calcination ils exhalent une forte odeur de foie de soufre, preuve évidente que leur substance contient de l’alcali uni au feu fixe du soufre ; ils diffèrent en cela des pyrites dans lesquelles le feu fixe n’est point uni à l’alcali, mais à l’acide. L’essence des spaths pesants est donc une terre alcaline très fortement chargée de la substance du feu ; et comme la terre formée du détriment des animaux et végétaux est celle qui contient l’alcali et la substance du feu en plus grande quantité, on doit encore en inférer que ces spaths tirent leur origine de la terre limoneuse ou bolaire dont les parties les plus fines, entraînées par la stillation des eaux, auront formé cette sorte de stalactite qui aura pris de la consistance et de la densité par la réunion de ces mêmes parties rapprochées de plus près que dans les stalactites vitreuses ou calcaires.

La texture des spaths pesants est lamelleuse comme celle des pierres précieuses ; ils ne font de même aucune effervescence avec les acides ; ils se présentent rarement en cristallisations isolées : ce sont ordinairement des groupes de cristaux très étroitement unis, et assez irrégulièrement les uns avec les autres.

Le spath auquel on a donné la dénomination de spath perlé, parce qu’il est luisant et d’un blanc de perle, a été mis mal à propos au nombre des spaths pesants par quelques naturalistes récents, car ce n’est qu’un spath calcaire qui diffère des spaths pesants par toutes ses propriétés. Il fait effervescence avec les acides. La densité de ce spath perlé est à peu près égal à celle des autres spaths calcaires[1], et d’un tiers au-dessous de celle des spaths pesants ; de plus, sa forme de cristallisation est semblable à celle du spath calcaire, il se convertit de même en chaux : il n’est donc pas douteux que ce spath perlé ne doive être séparé des spaths pesants et réuni aux autres spaths calcaires.

Les spaths pesants sont plus souvent opaques que transparents ; et comme je soupçonnais, par leurs autres rapports avec les pierres précieuses, qu’ils ne devaient offrir qu’une simple réfraction, j’ai prié M. l’abbé Rochon d’en faire l’expérience, et il a en effet reconnu que ces spaths n’ont point de double réfraction ; leur essence est donc homogène et simple comme celle du diamant et des pierres précieuses qui n’offrent aussi qu’une simple réfraction : les spaths pesants leur ressemblent par cette propriété qui leur est commune et qui n’appartient à aucune autre pierre transparente ; ils en approchent aussi par leur densité, qui néanmoins est encore un peu plus grande que celle du rubis ; mais avec cette homogénéité et cette grande densité, les spaths pesants n’ont pas à beaucoup près autant de dureté que les pierres précieuses.

Les spaths pesants opaques ou transparents sont ordinairement d’un blanc mat ; cependant il s’en trouve quelques-uns qui ont des teintes d’un rouge ou d’un jaune léger, et d’autres qui sont verdâtres ou bleuâtres. Ces différentes couleurs proviennent, comme dans les autres pierres colorées, des vapeurs ou dissolutions métalliques qui, dans de certains lieux, ont pénétré la terre limoneuse et teint les stalactites qu’elle produit.

Le spath pesant le plus anciennement connu est la pierre de Bologne[2] ; elle se pré-

  1. La pesanteur spécifique du spath calcaire rhomboïdal, dit cristal d’Islande, est de 27 151 ; celle du spath perlé, de 28 378, tandis que la pesanteur spécifique du spath pesant octaèdre est de 44 712, et celle du spath pesant, dit pierre de Bologne, est de 44 709. Voyez les Tables de M. Brisson.
  2. « La pierre de Bologne, dit M. le comte Marsigli, se trouve sur les monts Paterno et Piedalbino, qui élèvent leurs sommets stériles aux environs de Bologne… C’est sur le Paterno que ces pierres abondent le plus ; les terres qui couvrent l’une et l’autre montagnes sont de diverses couleurs : il y en a de cendrées, de blanches et de rouges ; on trouve dans ces dernières du bol de la même couleur qui est astringent et qui s’attache à la langue La terre dans laquelle sont dispersées les pierres dont on fait le phosphore… est aride, dense, obscure, parsemée de particules brillantes assez semblables au gypse, et