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La terre de Guatimala, dont on fait des vases en Amérique[1], est aussi un bol rougeâtre ; il est assez commun dans plusieurs contrées de ce continent, dont les anciens habitants en avaient fait des poteries de toutes sortes. Les Espagnols ont donné à cette terre le nom de boucaro ; il en est de même du bol d’Arménie et de la terre étrusque, dont on a fait anciennement de beaux ouvrages en Italie. On trouve aussi de ces bols plus ou moins colorés de rouge en Allemagne[2] ; il y en a même en France[3] qu’on pourrait peut-être également travailler.

Ces bols blancs, rouges et jaunes, sont les plus communs ; mais il y a aussi des bols verdâtres, tels que la terre de Vérone, qui paraissent avoir reçu du cuivre cette teinture verte : il s’en trouve de cette même couleur en Allemagne, dans le margraviat de Bareith, et les voyageurs en ont rencontré de toutes couleurs en Perse et en Turquie[4].

    les mains de celui qui est soubachi de Lemnos, et que si nous voulions l’avoir naturelle, il convenait d’y aller en personne, car il est défendu aux habitants, sous peine de perdre la tôle, d’en transporter ; ils disaient davantage, que si quelqu’un des habitants en avait seulement vendu un petit tourtelet, ou qu’il fût trouvé en avoir en sa maison sans le sceau de son gouverneur, il serait jugé à payer une grande somme d’argent ; car il n’est permis d’en départir, sinon audit soubachi qui tient l’arrangement de l’île et en paie le tribut au Turc. Observations de Pierre Belon ; Paris, 1555, liv. Ier, chap. xxiii, p. 23 et 24.

  1. Thomas Gage parle d’une terre qui se trouve au village de Mixco, près de Guatimala, de laquelle on fait de fort beaux vases et toutes sortes de vaisselles, comme des cruches, des pots à l’eau, des plats, des assiettes et autres ustensiles de ménage, en quoi les Indiens montrent, dit-il, « qu’ils ont beaucoup d’esprit, et les savent fort bien peindre ou vernir de rouge, de blanc et d’autres couleurs mêlées, et les envoient vendre à Guatimala et ailleurs, dans les villages voisins.

    » Les femmes créoles mangent de cette terre à pleines mains, sans se soucier d’altérer leur santé et de mettre leur vie en danger, pourvu que par ce moyen-là elles puissent paraître blanches et pâles de visage. » Voyages de Thomas Gage, traduit de l’anglais ; Paris, 1676, t. 111, p. 58.

  2. Le bol rouge s’appelle aussi bol d’Arménie et se trouve en Bohême, près d’Annaberg et d’Eisleben, et dans le Wurtemberg. On n’appelle bol de Cappadoce ou d’Arménie que celui dont la couleur est d’un rouge safrané, quelquefois gras, luisant, très poreux, toujours compact, pesant et happant fortement à la langue ; on s’en sert pour nettoyer des étoffes rouges gâtées de suif. On peut travailler cette espèce de terre avec de l’eau, et en former sur le tour des ustensiles qui, mis à cuire dans un four de potier de terre, n’imitent pas mal les terres de Boucaro. C’est aussi avec cette terre qu’on fait ces vases si communs dans l’Amérique espagnole. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 64.
  3. Bol jaune. Celui qui se rencontre en France, près de Blois et de Saumur, et qui sert aux doreurs à faire leur assiette, est de cette espèce ; il est quelquefois un peu plus coloré. Idem, ibidem.
  4. Je vous envoie de trois sortes de terres qui se trouvent dans Bagdad, et dont on fait une lessive qui sert à polir et embellir le teint et les cheveux, ayant à peu près la même vertu que celles que les Latins appellent terra chia et terre de cheveux, de laquelle Belon fait mention, quoiqu’il avoue néanmoins n’en avoir vu que d’une seule espèce. La première de ces trois dont je vous fais part et que l’on estime davantage ici est celle de Basra, d’une couleur qui tire sur le vert ; la seconde espèce, de moindre valeur que cette première, est celle de couleur rougeâtre, à peu près comme le bol d’Arménie ou la terre sigillée. Elle vient du pays des Curdes, que les Turcs nomment Curdistan ; et comme c’est leur coutume de donner à plusieurs choses les noms des lieux d’où elles viennent, ils appellent cette espèce de terre Curdistan Ghili, c’est-à-dire terre de Curdistan, qui a, aussi bien que la première, la vertu d’embellir et d’adoucir le teint et les cheveux ; outre cela elle a encore, comme je l’ai éprouvé, un effet particulier qui me plaît davantage, c’est qu’étant appliquée aux endroits du corps où l’on a fait passer le dépilatoire pour en ôter le poil, elle adoucit extrêmement la peau, et si l’instrument y avait fait quelque excoriation, elle y sert d’un souverain remède.