Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/641

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit[1], tiré de la terre alcaline un produit semblable à celui des rubis qu’il avait soumis à l’analyse chimique, et cette expérience prouve que la terre alcaline peut produire des corps assez semblables à cette pierre précieuse. Or, l’on sait que la terre végétale et limoneuse est plus alcaline qu’aucune autre, puisqu’elle n’est principalement composée que des débris des animaux et des végétaux : je pense donc que c’est par l’alcali que le feu se fixe dans le diamant et le rubis, comme c’est par l’acide qu’il se fixe dans la pyrite ; et même l’alcali, étant plus analogue que l’acide à la substance du feu, doit le saisir avec plus de force, le retenir en plus grande quantité et s’accumuler en petites masses sous un moindre volume ; ce qui, dans la formation de ces pierres, produit la densité, la dureté, la transparence, l’homogénéité et la combustibilité.

Mais avant de nous occuper de ces brillants produits de la terre végétale, et qui n’en sont que les extraits ultérieurs, nous devons considérer les concrétions plus grossières et moins épurées de cette même terre réduite en limon, duquel les bols et plusieurs autres substances terreuses ou pierreuses tirent leur origine et leur essence.


BOLS

On pourra toujours distinguer aisément les bols et terres bolaires des argiles pures, et même des terres glaiseuses, par des propriétés évidentes : les bols et terres bolaires se gonflent très sensiblement dans l’eau, tandis que les argiles s’imbibent sans gonflement apparent ; ils se boursouflent et augmentent de volume au feu ; l’argile, au contraire, fait retraite et diminue dans toutes ses dimensions ; les bols enfin se fondent et se convertissent en verre au même degré de feu qui ne fait que cuire et durcir les argiles. Ce sont là les différences essentielles qui distinguent les terres limoneuses des terres argileuses ; leurs autres caractères pourraient être équivoques, car les bols se pétrissent dans l’eau comme les argiles ; ils sont de même composés de molécules spongieuses ; leur cassure et leur grain, lorsqu’ils sont desséchés, sont aussi les mêmes, leur ductilité est à peu près égale, et tout ceci doit s’entendre des bols comparés aux argiles pures et fines. Les glaises ou argiles grossières ne peuvent être confondues avec les bols dont le grain est toujours très fin ; mais ces ressemblances des argiles avec les bols n’empêchent pas que leur origine et leur nature ne soient réellement et essentiellement différentes ; les argiles, les glaises, les schistes, les ardoises ne sont que les détriments des matières vitreuses décomposées et plus ou moins humides ou desséchées, au lieu que les bols sont les produits ultérieurs de la destruction des animaux et des végétaux dont la substance désorganisée fait le fond de la terre végétale, qui peu à peu se convertit en limon dont les parties les plus atténuées et les plus ductiles forment les bols.

Comme cette terre végétale et limoneuse couvre la surface entière du globe, les bols sont assez communs dans toutes les parties du monde ; ils sont tous de la même essence et ne diffèrent que par les couleurs ou la finesse du grain. Le bol blanc paraît être le plus pur de tous[2] ; on peut mettre au nombre de ces bols blancs la terre de Patna, dont on fait au Mogol des vases très minces et très légers[3] : il y a même en Europe de ces bols

  1. Voyez l’article du Cristal de roche, p. 448.
  2. Il y a des bols blancs qui se trouvent en Moscovie, à Striegaw ; d’autres en Allemagne, à Goldberg ; en Italie, à Florence, etc. Ce bol est le plus pur et d’autant meilleur qu’il est plus blanc : on l’appelle bol occidental ; on en fait quelquefois des vases et des figures. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 63.
  3. La terre de Patna est une terre admirable dont on fait, dans le Mogol, des espèces