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coup plus ordinaire de le trouver cristallisé en groupes plus ou moins considérables, et dont les cubes ont quelquefois plus d’un pied de largeur sur huit à dix pouces de hauteur ; ces cubes, tantôt entiers, tantôt tronqués aux angles ou dans leurs bords, varient beaucoup moins dans leur forme que les rhombes du spath calcaire : en récompense, leur couleur est plus variée que celle des autres spaths ; ils sont rarement d’un blanc mat, mais, lorsqu’ils ne sont pas diaphanes ou couleur d’aigue-marine, ils sont jaunes, ou rougeâtres, ou violets, ou pourpre, ou roses, ou verts, et quelquefois du plus beau bleu[1]. »

Il me reste seulement à observer que la terre calcaire étant la base de ces spaths fluors, j’ai cru devoir les rapporter aux pierres mélangées de matière calcaire, tandis que la pierre de Bologne et les autres spaths pesants, tirant leur origine de la terre végétale et ne contenant point de matière calcaire, doivent être mis au nombre des produits de la terre limoneuse, comme nous tâcherons de le prouver dans la suite de cet ouvrage.


STALACTITES DE LA TERRE VÉGÉTALE

La terre végétale, presque entièrement composée des détriments et du résidu des corps organisés, retient et conserve une grande partie des éléments actifs dont ils étaient animés : les molécules organiques, qui constituaient la vie des animaux et des végétaux, s’y trouvent en liberté, et prêtes à être saisies ou pompées pour former de nouveaux êtres ; le feu, cet élément sacré, qui n’a été départi qu’à la nature vivante dont il anime les ressorts ; ce feu, qui maintenait l’équilibre et la force de toute organisation, se retrouve encore dans les débris des êtres désorganisés, dont la mort ne détruit que la forme et laisse subsister la matière contre laquelle se brisent ses efforts ; car cette même matière organique, réduite en poudre, n’en est que plus propre à prendre d’autres formes, à se prêter à des combinaisons nouvelles, et à rentrer dans l’ordre vivant des êtres organisés.

Et toute matière combustible provenant originairement de ces mêmes corps organisés, la terre végétale et limoneuse est le magasin général de tout ce qui peut s’enflammer ou brûler ; mais dans le nombre de ces matières combustibles, il y en a quelques-unes, telles que les pyrites, où le feu s’accumule et se fixe en si grande quantité qu’on peut les regarder comme des corps ignés, dont la chaleur et le feu se manifestent dès qu’ils se décomposent. Ces pyrites ou pierres de feu sont de vraies stalactites de la terre limoneuse, et, quoique mêlées de fer, le fond de leur substance est le feu fixé par l’intermède de l’acide ; elles sont en immense quantité, et toutes produites par la terre végétale dès qu’elle est imprégnée de sels vitrioliques : on les voit, pour ainsi dire, se former dans les délits et les fentes de l’argile, où la terre limoneuse amenée et déposée par la stillation des eaux, et en même temps arrosée par l’acide de l’argile, produit ces stalactites pyriteuses dans lesquelles le feu, l’acide et le fer, contenus dans cette terre limoneuse, se réunissent par une si forte attraction, que ces pyrites prennent plus de dureté que toutes les autres matières terrestres, à l’exception du diamant et de quelques pierres précieuses qui sont encore plus dures que ces pyrites. Nous verrons bientôt que le diamant et les pierres précieuses sont, comme les pyrites, des produits de cette même terre végétale, dont la substance en général est plus ignée que terreuse.

En comparant les diamants aux pyrites, nous leur trouverons des rapports auxquels on n’a pas fait attention : le diamant, comme la pyrite, renferme une grande quantité de

  1. Lettres du docteur Demeste, etc., t. Ier, p. 325 et suiv.