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par petits éclats. Les spaths fusibles phosphoriques, soumis à la même chaleur, jettent une lumière très vive et très foncée ; ensuite ils se brisent en plusieurs morceaux qu’on a beaucoup plus de peine à réduire en poudre que les éclats des spaths fusibles vitreux[1]. » Les vrais spaths fluors sont donc désignés ici comme spaths fusibles et spaths vitreux, quoiqu’ils ne soient ni fusibles ni vitreux ; et quoique cet habile chimiste semble les distinguer des spaths qu’il appelle phosphoriques, les différences ne sont pas assez marquées pour qu’on ne puisse les confondre, et il est à croire que ce qu’il appelle spath fusible vitreux et spath fusible phosphorique, se rapporte également aux spaths fluors qui ne diffèrent les uns des autres que par le plus ou moins de pureté. Et en effet, deux de nos plus savants chimistes, MM. Sage et Demeste, ont dit expressément que les spaths vitreux, fusibles ou phosphoriques, ne sont qu’une seule et même chose[2] : or, ces spaths fluors, loin d’être fusibles, sont très réfractaires au feu ; mais il est vrai qu’ils ont la propriété d’être, comme le borax, des fondants très actifs ; et c’est probablement à cause de cette propriété fondante qu’on leur a donné le nom de spaths fusibles[3] ; mais on ne voit pas pourquoi ils sont dénommés spaths vitreux fusibles, puisque de tous les spaths il n’y a que le seul feldspath qui soit en effet vitreux et fusible.

Quelques habiles chimistes ont confondu ces spaths fluors avec les spaths pesants, quoique ces deux substances soient très différentes par leur essence, et qu’elles ne se ressemblent que par de légères propriétés : les spaths fluors réduits en poudre prennent, par le feu, de la phosphorescence, comme les spaths pesants[4] ; mais ce caractère est équivoque, puisque les coquilles et autres matières calcaires réduites en poudre prennent, comme les spaths pesants et les spaths fluors, de la phosphorescence par l’action du feu ; et si nous comparons toutes les autres propriétés des spaths pesants avec celles des spaths fluors, nous verrons que leur essence n’est pas la même, et que leur origine est bien différente.

Les spaths pesants sont d’un tiers plus denses que les spaths fluors[5], et cette seule propriété essentielle démontre déjà que leurs substances sont très différentes : M. Romé de Lisle fait mention de quatre principales sortes de spaths fluors[6], dont les couleurs,

  1. Expériences de M. Margraff, dans les Observations sur la physique, t. Ier, première partie, juillet 1772.
  2. Lettres de M. le docteur Demeste, t. Ier, p. 320.
  3. Quoique les spaths fusibles soient très réfractaires au feu, lorsqu’on les expose seuls à l’action du feu, ils ont cependant la propriété d’accélérer la fusion des métaux, et même ils se vitrifient très promptement si on les mêle avec des terres métalliques ou du quartz, ou de la terre calcaire, ou enfin de l’alcali fixe, ce qui les a fait regarder avec raison comme d’excellents fondants. Lettres de M. le docteur Demeste, t. Ier, p. 324.
  4. Lorsqu’on les réduit en poudre et qu’on projette cette poudre sur une pelle rougie au feu ou des charbons ardents, elle devient phosphorescente, et cette propriété peut faire distinguer ces spaths de toute autre substance pierreuse : cependant cette phosphorescence n’arrive que dans les spaths colorés, et cesse dans ceux-ci à l’instant où leur couleur est détruite par le feu. Cristallographie de M. Romé de Lisle, t. II, p. 5 et suiv.
  5. « La pesanteur spécifique du spath pesant, dit pierre de Bologne, est de 44 409 ; celle du spath pesant octaèdre, de 44 712 ; tandis que celle du spath fluor d’Auvergne n’est que de 36 943 ; celle du spath fluor cubique violet, 31 757 ; celle du spath fluor cubique blanc, 31 555. » Tables de M. Brisson.
  6. 1o Le spath fusible (fluor) cubique, et c’est la forme qu’il affecte le plus communément. Rien n’est plus rare que de trouver ces cubes solitaires ; ils forment ordinairement des groupes plus ou moins considérables dans les mines de Bohême, de Saxe, d’Angleterre et des autres pays.

    On les distingue en raison de leur couleur :

    1o En spaths vitreux blancs, le plus souvent diaphanes, mais quelquefois opaques et d’un blanc mat ;