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De toutes les méthodes connues pour épurer le charbon, celle qui se pratique aux environs de Gand est l’une des meilleures : on se sert des charbons crus de Mons et de Valenciennes, et le coak est si bien fait, dit M. de Limare, qu’on s’en sert sans inconvénient dans les blanchisseries de toile fine et de batiste : on l’épure dans des fourneaux entourés de briques, où l’on a ménagé des registres pour diriger l’air et le porter aux parties qui en ont besoin ; mais on assure que la méthode du sieur Ling, qui a mérité l’approbation du gouvernement, est encore plus avantageuse ; et je ne puis mieux terminer cet article qu’en rapportant le résultat des expériences qui ont été faites à Trianon, le 12 janvier 1779, avec du charbon du Bourbonnais désoufré à Paris par cette méthode du sieur Ling, par lesquelles expériences il est incontestablement prouvé que le charbon préparé par ce procédé a une grande supériorité sur toutes les matières combustibles, et particulièrement sur le charbon cru, soit pour le chauffage ordinaire, soit pour les arts de la métallurgie, puisque ces expériences démontrent :

1o Que le charbon ainsi préparé, quoique diminué de masse par l’épurement, tient le feu bien plus longtemps qu’un volume égal de charbon cru ;

2o Qu’il a infiniment plus de chaleur, puisque, dans un temps donné et égal, des masses de métal de même volume acquièrent plus de chaleur sans se brûler ;

3o Que ce charbon de terre préparé est bien plus commode pour les ouvriers, qui ne sont point incommodés des vapeurs sulfureuses et bitumineuses qui s’exhalent du charbon cru ;

4o Que ce charbon préparé est plus économique, soit pour le transport, puisqu’il est plus léger, soit dans tous les usages qu’on en peut faire, puisqu’il se consomme moins vite que le charbon cru ;

5o Que la propriété précieuse que le charbon, préparé par cette méthode, a d’adoucir le fer le plus aigre et de l’améliorer, doit lui mériter la préférence, non seulement sur le charbon cru, mais même sur le charbon de bois ;

6o Enfin, que le charbon de terre épuré par cette méthode peut servir à tous les usages auxquels on emploie le charbon de bois, et avec un très grand avantage, attendu que quatre livres de ce charbon épuré font autant de feu que douze livres de charbon de bois.




DU BITUME

Quoique les bitumes[NdÉ 1] se présentent sous différentes formes, ou plutôt dans des états différents, tant par leur consistance que par les couleurs, ils n’ont cependant qu’une seule et même origine primitive, mais ensuite modifiée par des causes secondaires : le naphte, le pétrole, l’asphalte, la poix de montagne, le succin, l’ambre gris, le jayet, le charbon de terre, tous les bitumes, en un mot, proviennent originairement des huiles animales ou végétales altérées par le mélange des acides ; mais, quoique le soufre provienne aussi des substances organisées, on ne doit pas le mettre au nombre des bitumes, parce qu’il ne contient point d’huile, et qu’il n’est composé que du feu fixe de ces mêmes substances combiné avec l’acide vitriolique.

  1. Voyez la note de la page 4. On a émis récemment l’opinion que le bitume, au lieu d’être une sorte de produit de distillation des matières organiques fossiles, se serait formé par une véritable synthèse effectuée sous l’influence de la chaleur et conformément aux réactions synthétiques pyrogénées signalées par M. Berthelot. On s’appuie, pour admettre cette opinion, sur ce qu’il se trouve dans une foule de régions, notamment dans le granit du plateau central, où n’existent pas de fossiles. [Note de Wikisource : C’est la première opinion qui est la bonne : tous les produits bitumineux dérivent de matière organique enfouie, ayant subi en profondeur une décomposition par la chaleur. Elle produit le pétrole et le gaz naturel, qui, lorsque la décomposition est suffisamment avancée, sont expulsés par la pression, puis remontent peu à peu vers la surface. S’ils sont piégés lors de leur remontée par une couche imperméable sous laquelle ils s’accumulent, ils constituent les gisements d’hydrocarbures ; sinon, ils subissent en surface une dernière altération par les eaux météoritiques et les bactéries anaérobies, qui les privent de leurs composés les plus légers et les rendent visqueux voire solides.]