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elles ont presque toutes une demi-transparence lorsqu’elles sont minces ; mais au-dessus d’une ligne ou d’une ligne et demie d’épaisseur, la transparence ne subsiste plus, et elles paraissent entièrement opaques.

Ces pierres se forment, comme les cailloux, par couches additionnelles de la circonférence au centre, mais leur substance est à peu près la même dans toutes les couches dont elles sont composées ; on en trouve seulement quelques-unes où l’on distingue des zones de couleur un peu différente du reste, et d’autres qui contiennent quelques couches évidemment mélangées de matière calcaire : celles qui sont creuses ne produisent pas, comme les cailloux creux, des cristaux dans leur cavité intérieure ; le suc vitreux n’est pas assez dissous dans ces pierres ni assez pur pour pouvoir se cristalliser ; elles ne sont dans la réalité composées que de petits grains très fins de grès, dont les poudres se sont mêlées avec celles de la craie, et qui s’en sont ensuite séparées par une simple sécrétion et sans dissolution, en sorte que ces grains ne peuvent ni former des cristaux ni même des agates dures et compactes, mais de simples concrétions qui ne diffèrent des grès que par la finesse du grain encore plus atténué dans les pierres à fusil que dans les grès les plus fins et les plus durs.

Néanmoins ces grès durs font feu comme la pierre à fusil, et sont à très peu près de la même densité[1] ; et comme elle est, ainsi que le grès, plus pesante et moins dure dans sa carrière qu’après son desséchement, elle me paraît à tous égards faire la nuance dans les concrétions quartzeuses entre les agates et les grès. Les pierres à fusil sont les dernières stalactites du quartz, et les grès sont les premières concrétions de ses détriments : ce sont deux substances de même essence et qui ne diffèrent que par le plus ou moins d’atténuation de leurs parties constituantes ; les grains du quartz sont encore entiers dans le grès ; ils sont en partie dissous dans les pierres à fusil, ils le sont encore plus dans les agates, et enfin ils le sont complètement dans les cristaux.

Nous avons dit que les grès sont souvent mélangés de matière calcaire[2] ; il en est de même des pierres à fusil, et elles sont rarement assez pures pour être susceptibles d’un beau poli ; leur demi-transparence est toujours nuageuse, leurs couleurs ne sont ni vives, ni variées, ni nettement tranchées comme dans les agates, les jaspes et les cailloux, que nous devons distinguer des pierres à fusil, parce que leur structure n’est pas la même, et que leur origine est différente : les cailloux sont, comme le cristal et les agates, des produits immédiats du quartz ou des autres matières vitreuses ; ce sont des stalactites qui ne diffèrent les unes des autres que par le plus ou moins de pureté, mais dans lesquelles le suc vitreux est dissous, au lieu que les pierres à fusil ne sont que des agrégats de particules quartzeuses, produits par une sécrétion qui s’opère dans les matières calcaires ; et les grains quartzeux, qui composent ces pierres, ne sont pas assez dissous pour former une substance qui puisse prendre la même dureté et recevoir le même poli que les vrais cailloux, qui, quoique opaques, ont plus d’éclat et de sécheresse ; car ils ne sont point humides dans leur carrière, et ils n’acquièrent ni pesanteur, ni dureté, ni sécheresse à l’air, parce qu’ils ne sont pas imbibés d’eau comme les pierres à fusil et les grès.

On peut donc, tant par l’observation que par l’analogie, suivre tous les passages et saisir les nuances entre le grès, la pierre à fusil et l’agate : par exemple, les pierres à fusil qu’on trouve à Vaugirard près Paris sont presque des agates ; elles ne se présentent pas en petits blocs irréguliers et tuberculeux, mais elles sont en lits continus, leur forme est aplatie, leur couleur est d’un gris brun, et elles prennent un assez beau poli. M. Guet-

  1. Le grès dur nommé grisard pèse spécifiquement 24 928, et le grès luisant de Fontainebleau pèse 25 616, ce qui approche assez de la pesanteur spécifique, 25 817, de la pierre à fusil.
  2. Voyez l’article du Grès.