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Tartarie, dans le pays des Kalmouks et au Thibet[1] ; on en a aussi rencontré dans quelques endroits au Pérou et au Chili[2].

Et par rapport à la qualité du lapis, on peut en distinguer de deux sortes, l’un dont le fond est d’un bleu pur, et l’autre d’un bleu violet et pourpré. Ce lapis est plus rare que l’autre ; et M. Dufay, de l’Académie des sciences, ayant fait des expériences sur tous deux a reconnu, après les avoir exposés aux rayons du soleil, qu’ils en conservaient la lumière et que les plus bleus la recevaient en plus grande quantité et la conservaient plus longtemps que les autres ; mais que les parties blanches et les taches et veines pyriteuses ne recevaient ni ne rendaient aucune lumière : au reste, cette propriété du lapis lui est commune avec plusieurs autres pierres qui sont également phosphoriques.


PIERRES À FUSIL

Les pierres à fusil sont des agates imparfaites dont la substance n’est pas purement vitreuse, mais toujours mélangée d’une petite quantité de matière calcaire : aussi se forment-elles dans les délits horizontaux des craies et des tufs calcaires, par le suintement des eaux chargées des molécules de grès qui se trouvent souvent mêlées avec la matière crétacée. Ce sont des stalactites ou concrétions produites par la sécrétion des parties vitreuses mêlées dans la craie : l’eau les dissout et les dépose entre les joints et dans les cavités de cette terre calcaire ; elles s’y réunissent par leur affinité, et prennent une figure arrondie, tuberculeuse ou plate, selon la forme des cavités qu’elles remplissent. La plupart de ces pierres sont solides et pleines jusqu’au centre ; mais il s’en trouve aussi qui sont creuses et qui contiennent dans leur cavité de la craie semblable à celle qui les environne et les recouvre à l’extérieur.

Quoique la densité des pierres à fusil approche de celle des agates[3], elles n’ont pas la même dureté ; elles sont, comme les grès, toujours imbibées d’eau dans leur carrière, et elles acquièrent de même plus de dureté par le desséchement à l’air : aussi les ouvriers qui les taillent n’attendent pas qu’elles se soient desséchées ; ils les prennent au sortir de la carrière et les trouvent d’autant moins dures qu’elles sont plus humides. Leur couleur est alors d’un brun plus ou moins foncé, qui s’éclaircit et devient gris ou jaunâtre à mesure qu’elles se dessèchent : ces pierres, quoique moins pures que les agates, étincellent mieux contre l’acier, parce qu’étant moins dures il s’en détache par le choc une plus grande quantité de particules. Elles sont communément d’une couleur de corne jaunâtre après leur entier dessèchement ; mais il y en a aussi de grises, de brunes et même de rougeâtres ;

  1. Il y a apparence que l’on trouve du lapis-lazuli dans le royaume de Lawa au Thibet, puisque les habitants de cette contrée en transportent à Kandahar et même à Ispahan. Histoire générale des Voyages, t. VII, p. 118. — Les montagnes voisines d’Anderah, dans la grande Bukharie, ont de riches carrières de lapis-lazuli : c’est le grand commerce des Bukhariens avec les marchands de la Perse et de l’Inde. Idem, ibidem, p. 211. — Vers les montagnes du Caucase dans le Thibet, dans les terres d’un raja, au delà du royaume de Cachemire, on connaît trois montagnes dont l’une produit du lapis. Idem, t. X, p. 327.
  2. Le gouvernement de Macas, dans l’audience de Quito au Pérou, produit en divers endroits de la poudre d’azur en petite quantité, mais d’une qualité admirable. Idem, t. XIII, p. 378. — Le corrégiment de Copiago, au Chili, fournit du lapis-lazuli. Idem, ibidem, p. 414.
  3. La pesanteur spécifique de la plupart des agates excède 26 000, celle de la pierre à fusil blonde est de 25 941, et celle de la pierre à fusil noirâtre de 25 817.