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C’est avec les parties bleues du lapis que se fait l’outremer ; le meilleur est celui dont la couleur bleue est la plus intense. La manière de le préparer a été indiquée par Boëce de Boot[1] et par plusieurs autres auteurs. Je ne sache pas qu’on ait encore rencontré du vrai lapis en Europe ; il nous arrive de l’Asie en morceaux informes. On le trouve en

  1. Le moyen de préparer l’outremer est de réduire le lapis en morceaux de la grosseur d’une aveline, qu’on lave à l’eau tiède et qu’on met dans le creuset ; on chauffe ces morceaux jusqu’à l’incandescence, et on tire séparément chaque morceau du creuset pour l’éteindre dans d’excellent vinaigre blanc, et plus on répète cette opération, plus elle produit de bons effets : quelques-uns la répètent sept fois ; car par ce moyen ces morceaux se calcinent à merveille et se réduisent plus aisément en poudre, et sans cela ils se broieraient difficilement, et même s’attacheraient au mortier. C’est dans un mortier de bronze bien bouché qu’il faut les broyer, afin que la poudre la plus subtile ne s’exhale pas dans l’air : ramassez cette poudre avec soin, et, pour la laver, mêlez avec de l’eau une certaine quantité de miel, faites-la bouillir dans une marmite neuve jusqu’à ce que toute l’écume soit enlevée, alors retirez-la du feu pour la conserver. (On peut voir la suite des petites opérations nécessaires à la préparation de l’outremer dans l’auteur, p. 280 jusqu’à 282, et comment on en sépare les parties qui ont la plus belle couleur, de celles qui en ont moins, p. 283 jusqu’à 289.) Une livre de lapis se vend ordinairement huit ou dix thalers ; et si cette pierre est de la meilleure qualité, la livre produit au moins dix onces de couleur, et de ces dix onces il n’y en a que cinq onces et demie de couleur du premier degré, dont chaque once se vend vingt thalers : celle du second degré de couleur se vend cinq ou six thalers l’once, et celle du troisième et dernier degré de couleur ne vaut plus qu’un thaler, ou même un demi-thaler. Boëce de Boot. — L’outremer est, à proprement parler, un précipité que l’on tire du lapis-lazuli par le moyen d’un pastel composé de poix grasse, de cire jaune, d’huile de lin, et autres semblables. Quelques-uns disent que l’on a donné le nom d’outremer à ce précipité parce que le premier outremer a été fait en Chypre, et d’autres veulent que ce nom lui ait été donné parce que son bleu est plus beau que celui de la mer. On doit choisir l’outremer haut en couleur, bien broyé, ce qui se connaîtra en le mettant entre les dents ; s’il est sableux, c’est une preuve qu’il n’est pas assez broyé ; et pour voir s’il est véritable, sans aucune falsification, on en mettra tant soit peu dans un creuset pour le faire rougir : si sa couleur ne change point au feu, c’est une preuve qu’il est pur, car s’il est mélangé on y trouvera dedans des taches noires ; son usage est pour peindre en huile et en miniature. Ceux qui préparent l’outremer en font jusqu’à quatre sortes, ce qui ne provient que des différentes lotions. Pomet, Histoire générale des drogues. Paris, 1694, liv. iv, p. 102. — Le lapis-lazuli, pour être parfait et propre à faire l’outremer qui est son principal usage, doit être pesant, d’un bleu foncé semblable à de belle inde, le moins rempli de veine cuivreuse ou soufreuse que faire se pourra ; on prendra garde qu’il n’ait été frotté avec de l’huile d’olive, afin qu’il paraisse d’un bleu plus foncé et turquin ; mais la fourberie ne sera pas difficile à connaître en ce que le beau lapis doit être d’un plus beau turquin dedans que dessus : on rejettera aussi celui qui est plein de roches et de ces prétendues veines d’or, en ce que lorsqu’on le brûle pour en faire l’outremer, il pue extrêmement, ayant l’odeur du soufre, qui marque que ce n’est que du cuivre et non de l’or, et parce qu’on le passe par un pastel pour le séparer de sa roche, on y trouve un gros déchet, ce qui n’est pas d’une petite conséquence, parce que la marchandise est chère : c’est encore une erreur de croire, comme quelques-uns le marquent, que le beau lapis doit augmenter de poids au feu ; il est bien vrai que plus le lapis est beau, moins il diminue, et qu’il s’en trouve quelquefois qui est déchu de si peu, que cela ne vaut pas la peine d’en parler, mais quelque bon qu’il soit, il diminue toujours, ce qui est bien loin d’augmenter. On doit le mettre aussi au feu comme l’outremer pour voir s’il est bon ; car le bon lapis ne doit pas changer de couleur après avoir été rougi. Ce choix du lapis est bien différent de tous ceux qui en ont écrit, en ce qu’ils disent que celui qui est le plus rempli de ces veines jaunâtres ou veines d’or doit être le plus estimé, ce que je soutiens faux, puisque plus il s’y en trouve et moins on en fait d’estime, principalement pour ceux qui savent ce que c’est, et pour ceux qui en veulent faire l’outremer. Idem, p. 100 et suiv.