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M. Gabriel Jars, de l’Académie de Lyon, et frère de l’académicien que je viens de citer, a publié un très bon Mémoire sur la manière de préparer le charbon de terre, pour le substituer au charbon de bois dans les travaux métallurgiques, mise en usage depuis l’année 1769 dans les mines de Saint-Bel, dans lequel l’auteur dit, avec grande raison, que « le charbon de terre est, comme tous les autres bitumes, composé de parties huileuses et acides ; que dans ces acides on distingue un acide sulfureux auquel il croit que l’on peut attribuer principalement les déchets que l’on éprouve lorsqu’on l’emploie dans la fonte des métaux : le soufre et les acides dégagés par l’action du feu, dans la fusion, attaquent, rongent et détruisent les parties métalliques qu’ils rencontrent ; voilà les ennemis que l’on doit chercher à détruire ; mais la difficulté de l’opération consiste à détruire ce principe rongeur, en conservant la plus grande quantité possible de parties huileuses, phlogistiques et inflammables, qui seules opèrent la fusion, et qui lui sont unies. C’est à quoi tend le procédé dont je vais donner la méthode ; on peut le nommer le désoufrage : après l’opération, le charbon minéral n’est plus à l’œil qu’une matière sèche, spongieuse, d’un gris noir qui a perdu de son poids et acquis du volume, qui s’allume plus difficilement que le charbon cru, mais qui a une chaleur plus vive et plus durable. »

M. Gabriel Jars donne ensuite une comparaison détaillée des effets et du produit du feu des coaks, et de celui du charbon de bois pour la fonte des minerais de cuivre ; il dit que les Anglais fondent la plupart des minerais de fer avec les coaks, dont ils obtiennent un

    aujourd’hui aux mines de Rive-de-Gier par les ouvriers que les intéressés aux mines de cuivre employaient à cette opération, avec un succès que j’ai éprouvé, est celle de recouvrir les charbonnières avec le charbon même ; cela se fait comme il suit :

    L’arrangement de la charbonnière étant achevé, on en recouvre la partie inférieure, depuis le sol du terrain jusqu’à la hauteur d’environ un pied, avec du menu charbon cru, tel qu’il vient de la carrière et des déblais qui se font dans le choix du gros charbon ; le restant de la surface est recouvert avec tout ce qui s’est séparé en très petits morceaux des coaks : par cette méthode on n’a pas besoin, comme pour les autres, de pratiquer des trous autour de la circonférence pour l’évaporation de la fumée ; les interstices qui se trouvent entre ces menus coaks y suppléent et font le même effet ; le feu agit également partout.

    Lorsque la charbonnière est recouverte jusqu’au sommet, l’ouvrier apporte, comme il a été dit, quelques charbons allumés qu’il jette dans l’ouverture, et achève d’en remplir la capacité avec d’autres charbons ; quand il juge que le feu a pris et que la charbonnière commence à fumer, il en recouvre le sommet, et conduit l’opération comme celle du charbon de bois, ayant soin d’empêcher que le feu ne passe par aucun endroit, pour que le charbon ne se consume pas ; ainsi du reste jusqu’à ce qu’il ne fume plus, ou du moins que la fumée en sorte claire, signe constant de la fin du désoufrage ; pour toute cette manœuvre, l’expérience des ouvriers est très nécessaire.

    Une telle charbonnière tient le feu quatre jours, et plusieurs heures de moins si l’on a recouvert avec de la paille et de la terre : lorsqu’il ne fume plus, on recouvre le tout avec de la poussière pour étouffer le feu, et on le laisse ainsi pendant douze ou quinze heures ; après ce temps, on retire les coaks, partie par partie, à l’aide des râteaux de fer, en séparant le menu qui sert à couvrir d’autres charbonnières.

    Lorsque les coaks sont refroidis, on les enferme dans un magasin bien sec : s’il s’y trouve quelques morceaux de charbon qui ne soient pas bien désoufrés, on les met à part pour les faire passer dans une nouvelle charbonnière ; on en a de cette manière plusieurs en feu, dont la manœuvre se succède.

    Trois ouvriers, ayant un emplacement assez grand, peuvent préparer dans une semaine trois cent cinquante, jusqu’à quatre cents quintaux de coaks. Les charbons de Rive-de-Gier perdent en désoufrage à Saint-Bel trente-cinq pour cent, de manière que cent livres de charbon cru sont réduites à soixante-cinq livres de braises ; ce fait a été vérifié plusieurs fois. Voyages métallurgiques, par M. Jars, quinzième Mémoire, p. 325.