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belles et les plus précieuses, et probablement les espèces de coquillages qui les produisent ne se trouvent que dans ces mers, ou, s’ils se trouvent ailleurs dans des climats moins chauds, ils n’ont pas la même faculté et n’y produisent rien de semblable ; et c’est peut-être parce que les vers à tarière qui percent ces coquilles n’existent pas dans les mers froides ou tempérées.

On trouve aussi d’assez belles perles dans les mers qui baignent les terres les plus chaudes de l’Amérique méridionale, et surtout près des côtes de Californie, du Pérou et de Panama[1] ; mais elles sont moins parfaites et moins estimées que les perles orientales.

    point de si grand prix que dans celles d’Occident, sans compter que les monarques et les seigneurs de l’Asie payent bien mieux que les Européens, non seulement les perles, mais encore tous les joyaux qui ont quelque chose d’extraordinaire, à l’exception du diamant. Quoique les perles de Bahren et de Catifa tirent un peu sur le jaune, on n’en fait pas moins de cas que de celles de Manor, parce que tous les Orientaux prétendent qu’elles sont mûres ou cuites, et que leur couleur ne change jamais. On a fait une remarque importante sur la différence de l’eau des perles, qui est fort blanche dans les unes et jaunâtre ou tirant sur le noir ou plombeuses dans les autres. La couleur jaune vient, dit-on, de ce que les pêcheurs vendant les huîtres par monceaux, et les marchands attendant quelquefois pendant quinze jours qu’elles s’ouvrent d’elles-mêmes pour en tirer les perles, une partie de ces huîtres, qui perdent leur eau dans cet intervalle, s’altèrent jusqu’à devenir puantes, et la perle est jaunie par l’infection ; ce qu’il y a de vrai, c’est que, dans les huîtres qui ont conservé leur eau, les perles sont toujours blanches. On attend qu’elles s’ouvrent d’elles-mêmes, parce qu’en y employant la force on pourrait endommager et fendre la perle. Les huîtres du détroit de Manor s’ouvrent naturellement cinq ou six jours plus tôt que celles du golfe Persique, ce qu’il faut attribuer à la chaleur qui est beaucoup plus grande à Manor, c’est-à-dire au 10e degré de latitude nord, qu’à l’île de Bahren qui est presque au 27e. Aussi se trouve-t-il fort peu de perles jaunes entre celles qui viennent de Manor.

    Dans les mers orientales, la pêche des perles se fait deux fois l’an ; la première aux mois de mars et d’avril, la seconde en août et septembre. La vente des perles se fait depuis juin jusqu’en novembre. Histoire générale des Voyages, t. II, p. 682 et suiv.

  1. La côte de Californie, celle du Pérou et celle de Panama produisent aussi de grosses perles ; mais elles n’ont pas l’eau des perles orientales, et sont outre cela noirâtres et plombeuses. On trouve quelquefois dans une seule huître jusqu’à sept ou huit perles de différentes grosseurs. Bibliothèque raisonnée, mois d’avril, etc., 1749. — Quoique les huîtres perlières soient communes dans toute la baie de Panama en Amérique, elles ne sont nulle part en aussi grande abondance qu’à Quibo : il ne faut que se baisser dans la mer et les détacher du fond. Celles qui donnent le plus de perles sont à plus de profondeur. On assure que la qualité de la perle dépend de la qualité du fond où l’huitre s’est nourrie ; si le fond est vaseux, la perle est d’une couleur obscure et de mauvaise eau. Les plongeurs qu’on emploie pour cette pêche sont des esclaves nègres dont les habitants de Panama et de la côte voisine entretiennent un grande nombre, et qui doivent être dressés avec un soin extrême à cet exercice. Idem, p. 156. — Un des plus grands avantages de Panama est la pêche des perles qui se fait aux îles de son golfe. Il y a peu d’habitants qui n’emploient un certain nombre de nègres à cette pêche.

    La méthode n’en est pas différente de celle du golfe Persique et du cap Camorin, mais elle est plus dangereuse ici, par la multitude des monstres marins qui font la guerre aux pêcheurs : les requins et les teinturières dévorent en un instant les plongeurs qu’ils peuvent saisir. Cependant ils ont l’art de les envelopper de leur corps et de les étouffer, ou de les écraser contre le fond en se laissant tomber sur eux de toute leur pesanteur, et pour se défendre d’une manière plus sûre, chaque plongeur est armé d’un couteau pointu fort tranchant ; dès qu’il aperçoit un de ces montres, il l’attaque par quelque endroit qui ne puisse pas résister à la blessure, et lui enfonce son couteau dans le corps. Le monstre ne se sent pas plus tôt blessé qu’il prend la fuite. Les caporaux nègres, qui ont l’inspection sur les autres esclaves, veillent de leurs barques à l’approche de ces cruels animaux, et ne manquent