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le corps du coquillage ; en sorte que la comparaison des perles aux bézoards des animaux n’a peut-être de rapport qu’à la texture de ces deux substances, et point du tout à la cause de leur formation.

La couleur des perles varie autant que leur figure ; et dans les perles blanches, qui sont les plus belles de toutes, le reflet apparent qu’on appelle l’eau ou l’orient de la perle est plus ou moins brillant et ne luit pas également sur leur surface entière.

Et cette belle production, qu’on pourrait prendre pour un écart de la nature, est non seulement accidentelle, mais très particulière ; car, dans la multitude d’espèces d’animaux à coquilles, on n’en connaît que quatre, les huîtres, les moules, les patelles et les oreilles de mer qui produisent des perles[1], et encore n’y a-t-il ordinairement que les grands individus qui, dans ces espèces, nous offrent cette production. On doit même distinguer deux sortes de perles en histoire naturelle, comme on les a séparées dans le commerce où les perles de moules n’ont aucune valeur en comparaison des perles d’huîtres : celles des moules sont communément plus grosses, mais presque toujours défectueuses, sans orient, brunes ou rougeâtres, et de couleurs ternes ou brouillées. Ces moules habitent les eaux douces et produisent des perles dans les étangs et les rivières[2], sous tous les climats chauds, tempérés ou froids[3]. Les huîtres, les patelles et les oreilles de mer, au con-

  1. Marc-Paul et d’autres voyageurs assurent qu’on trouve au Japon des perles rouges de figure ronde. Kæmpfer décrit cette coquille que les Japonais nomment awabi ; elle est d’une seule pièce presque ovale, assez profonde, ouverte d’un côté, par lequel elle s’attache aux rochers et au fond de la mer, ornée d’un rang de trous qui deviennent plus grands à mesure qu’ils s’approchent de sa plus grande largeur. La surface extérieure est rude et gluante ; il s’y attache souvent des coraux, des plantes de mer et d’autres coquilles : elle renferme une excellente nacre, brillante, d’où il s’élève quelquefois des excroissances de perles blanchâtres, comme dans les coquilles ordinaires de Perse. Cependant une grosse masse de chair, qui remplit sa cavité, est le principal attrait qui la fasse rechercher des pêcheurs : ils ont des instruments faits exprès pour la déraciner des rochers. Histoire générale des Voyages ; Paris, 1749, t. IV, p. 322 et suiv.
  2. Dans l’intérieur de la coquille de quelques grandes moules d’eau douce, qu’on nomme communément moules d’étang, il s’est trouvé plusieurs petites perles de différentes grosseurs ; il y en avait même une assez grosse ; mais celle-ci avait pour noyau une petite pierre recouverte par une couche de nacre. On sait que les perles ne sont qu’une espèce d’extravasation du suc destiné à former la nacre, et qui est vraisemblablement causée par une maladie de l’animal ; quelques Asiatiques, voisins des pêcheries de perles, ont l’adresse d’insérer dans les coquilles des huîtres à perles de petits ouvrages qui se revêtissent, avec le temps, de la matière qui forme les perles. Les moules en question, qui ont une espèce de nacre, peuvent être sujettes à quelques maladies semblables ; et, puisqu’une petite pierre s’était incrustée dans une moule, pourquoi ne tenterait-on pas de se procurer de petits ouvrages incrustés de même ? Ces moules avaient été pêchées dans les fossés du château de Maulette près de Houdan. Académie des sciences, année 1769. Observation de physique générale, p. 23.
  3. La rivière de Vologne sort du lac de Longemer, situé dans les montagnes des Vosges ; cette rivière nourrit des moules depuis le village de Jussarupt jusqu’à son embouchure dans la Moselle ; cet espace peut être de quatre à cinq lieues de longueur ; quelques endroits de cet espace sont si abondants en moules que le fond de la rivière semble en être pavé ; leur longueur est de quatre pouces sur deux pouces de large environ. Les coquilles de ces moules sont fortes, épaisses d’une ligne environ, lisses et noires à l’extérieur, ternes à leur intérieur. Pour distinguer celles qui donnent des perles d’avec celles qui n’en ont point, il faut faire attention à certaines convexités qui se manifestent à l’extérieur ; cette marque désigne qu’il y a ou qu’il y a eu une ou plusieurs perles ; car il arrive quelquefois que la perle se perd lorsque l’animal ouvre sa coquille. Je me suis assuré que les coquilles lisses n’en contiennent aucune : ne pourrait-on pas dire, pour expliquer la formation de ces pierres, que, lorsque l’animal travaille à sa coquille, il fait sortir du réservoir la matière qui doit la former, que lorsqu’il applique sur les parois intérieures cette espèce de couche de vernis, s’il