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PERLES

On peut regarder les perles comme le produit le plus immédiat de la substance coquilleuse, c’est-à-dire de la matière calcaire dans son état primitif ; car cette matière calcaire ayant été formée originairement par le filtre organisé des animaux à coquille, on peut mettre les perles au rang des concrétions calcaires, puisqu’elles sont également produites par une sécrétion particulière d’une substance dont l’essence est la même que celle de la coquille, et qui n’en diffère en effet que par la texture et l’arrangement des parties constituantes. Les perles, comme les coquilles, se dissolvent dans les acides ; elles peuvent également se réduire en chaux qui bouillonne avec l’eau ; elles ont à très peu près la même densité, la même dureté, le même orient que la nacre intérieure et polie des coquilles à laquelle elles adhèrent souvent. Leur production paraît être accidentelle ; la plupart sont composées de couches concentriques autour d’un très petit noyau qui leur sert de centre et qui souvent est d’une substance différente de celle des couches[1] ; cependant, il s’en faut bien qu’elles prennent toutes une forme régulière : les plus parfaites sont sphériques, mais le plus grand nombre, surtout quand elles sont un peu grosses, se présente en forme un peu aplatie d’un côté et plus convexe de l’autre, ou en ovale assez irrégulier ; il y a même des perles longues, et leur formation, qui dépend en général de l’extravasation du suc coquilleux, dépend souvent d’une cause extérieure que M. Faujas de Saint-Fond a très bien observée, et que l’on peut démontrer aux yeux dans plusieurs coquilles du genre des huîtres. Voici la note que ce savant naturaliste a bien voulu me communiquer sur ce sujet :

« Deux sortes d’ennemis attaquent les coquilles à perles : l’un est un ver à tarière d’une très petite espèce, qui pénètre dans la coquille par les bords en ouvrant une petite tranchée longitudinale entre les diverses couches ou lames qui composent la coquille ; et

  1. Les perles sont une concrétion contre nature, produite par la surabondance de l’humeur destinée à la formation de la coquille et à la nutrition de l’animal qu’elle contient, qui, après avoir été stagnante dans quelque partie, acquiert de la dureté avec le temps, et augmente en volume par des couches successives, comme les bézoards des animaux : souvent dans le centre des perles, comme dans le centre des bézoards, on trouve une matière d’un autre genre qui sert de point d’appui et de noyau aux couches concentriques dont elles sont formées. Collection académique, partie étrangère, t. III, pag. 593 et suiv. — La seule différence qui se trouve entre les lames dont sont composées les perles, et celles dont sont composées les petites couches de la nacre, c’est que les premières sont presque planes, et les autres courbes et concentriques ; car une perle que j’ouvris chez le grand-duc de Toscane (dit Stenon), et qui était blanche à l’extérieur, contenait intérieurement un petit corps noir de même couleur et de même volume qu’un grain de poivre ; on y reconnaissait évidemment la situation des petits filets composants, leurs circonvolutions sphériques, leurs différentes couches concentriques formées par ces circonvolutions, et la direction de l’une de leurs extrémités vers le centre… Certaines perles inégales ne le sont que parce que c’est un groupe de petites perles renfermées sous une enveloppe commune… Un grand nombre de perles jaunes à la surface le sont encore dans tous les points de leur substance ; par conséquent, ce vice de couleur doit être attribué à l’altération des humeurs de l’animal, et ne peut être enlevé que lorsque les perles ne sont jaunes que pour avoir été longtemps portées, ou lorsque les couches intérieures ont été formées avant que les humeurs de l’animal s’altérassent, et pussent altérer la couleur des perles. De tout cela l’auteur conclut à l’impossibilité de faire des perles artificielles qui égalent l’éclat des naturelles, parce que cet éclat dépend de leur structure qui est trop compliquée pour être imitée par l’art. Idem, t. IV, p. 406.