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cules les plus ténues, et en forme une lame transparente qui produit la première réfraction ; après quoi, l’eau, chargée de particules plus grossières ou moins dissoutes de cette même pierre calcaire, forme une seconde lame qui s’applique sur la première ; et, comme la substance de cette seconde lame est moins compacte que celle de la première, elle produit une seconde réfraction dont les images sont d’autant plus faibles et plus éloignées de celles de la première, que la différence de densité est plus grande dans la matière des deux lames qui, quoique toutes deux formées par une substance calcaire, diffèrent néanmoins par la densité, c’est-à-dire par la ténuité ou la grossièreté de leurs parties constituantes. Il se forme donc, par les résidus successifs de la stillation de l’eau, des lames ou couches alternatives de matière plus ou moins dense ; l’une des couches est pour ainsi dire le dépôt de ce que l’autre contient de plus grossier, et la masse totale du corps transparent est entièrement composée de ces diverses couches posées alternativement les unes auprès des autres.

Et comme ces couches de lames alternatives se reconnaissent au moyen de la double réfraction, non seulement dans les spaths calcaires et gypseux, mais aussi dans tous les cristaux vitreux, il paraît que le procédé le plus général de la nature pour la composition de ces pierres par la stillation des eaux est de former des couches alternatives dont l’une paraît être le dépôt de ce que l’autre a de plus grossier, en sorte que la densité et la dureté de la première couche sont plus grandes que celles de la seconde : toutes les pierres transparentes calcaires ou vitreuses sont aussi composées de couches alternatives de différente densité, et il n’y a que le diamant et les pierres précieuses qui, quoique formés comme les autres par l’intermède de l’eau, ne sont pas composés de lames ou couches alternatives de différente densité, et sont par conséquent homogènes dans toutes leurs parties.

Lorsqu’on fait calciner au feu les spaths et les autres matières calcaires, elles laissent exhaler l’air et l’eau qu’elles contiennent et perdent plus d’un tiers de leur poids en se convertissant en chaux. Lorsqu’on les fait distiller en vaisseaux clos, elles donnent une grande quantité d’eau. Cet élément entre donc et réside comme partie constituante dans toutes les substances calcaires et dans la formation secondaire des spaths. Les eaux de stillation, selon qu’elles sont plus ou moins chargées de molécules calcaires, forment des couches plus ou moins denses, dont la force de réfraction est plus ou moins grande ; mais, comme il n’y a dans les cristaux vitreux qu’une très petite quantité d’eau en comparaison de celle qui réside dans les spaths calcaires, la différence entre leurs réfractions est très petite, et celle des spaths est très grande.

Pour terminer ce que nous avons à dire sur le spath ou cristal d’Islande, nous devons observer que, dans les lieux où il se trouve, la surface exposée à l’action de l’air est toujours plus ou moins altérée, et qu’elle est communément brune ou noirâtre ; mais cette décomposition ne pénètre pas dans l’intérieur de la pierre ; on enlève aisément, et même avec l’ongle, la première couche noire au-dessous de laquelle ce spath est d’un blanc transparent. Nous remarquerons aussi que ce cristal devient électrique par le frottement comme le cristal de roche et comme toutes les autres pierres transparentes : ce qui démontre que la vertu électrique peut se donner également à toutes les matières transparentes, vitreuses ou calcaires.