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d’un dix-neuvième, et dont par conséquent la densité des couches alternatives ne diffère que très peu, tandis que, dans le spath appelé cristal d’Islande, les deux réfractions, qui diffèrent entre elles de plus d’un tiers, nous démontrent que la différence de la densité respective des couches alternatives de ce spath est six fois plus grande que dans les couches alternatives du cristal de roche : il en est de même du gypse transparent, qui n’est qu’un spath calcaire imprégné d’acide vitriolique ; sa double réfraction est à la vérité moindre que celle du cristal d’Islande, mais cependant plus forte que celle du cristal de roche, et l’on ne peut douter qu’il ne soit également composé de couches alternatives de différente densité : or, ces couches dont les densités ne sont pas fort différentes et dont les réfractions, comme dans le cristal de roche, ne diffèrent que d’un dix-neuvième, ont aussi à très peu près la même puissance d’attraction, et dès lors le mouvement qui les unit est presque simple, ou si peu composé que les couches se superposent sans obliquité sensible les unes sur les autres ; au lieu que, quand les couches alternatives sont de densité très différente, et que leurs réfractions, comme dans le cristal d’Islande, diffèrent de plus d’un tiers, leur, puissance d’attraction diffère en même raison, et ces deux attractions agissant à la fois, il en résulte un mouvement composé qui, s’exerçant dans la diagonale, produit l’obliquité des couches, et par conséquent celle des faces et des angles dans ce cristal d’Islande, ainsi que dans tous les autres spaths calcaires.

Et, comme cette différence de densité se trouve plus ou moins grande dans les différents spaths calcaires, leur forme de cristallisation, quoique toujours oblique, ne laisse pas d’être sujette à des variétés qui ont été bien observées par M. le docteur Demeste : je me dispenserai de les rapporter ici[1], parce que ces variétés ne me paraissent être que des formes accidentelles dont on ne peut tirer aucun caractère réel et général ; il nous suffira, pour juger de tous les spaths calcaires, d’examiner le spath d’Islande, dont la forme et les propriétés se retrouvent plus ou moins dans tous les autres spaths calcaires.


DU SPATH APPELÉ CRISTAL D’ISLANDE

Ce cristal n’est qu’un spath calcaire qui fait effervescence avec les acides, et que le feu réduit en une chaux qui s’échauffe et bouillonne avec l’eau comme toutes les chaux des matières calcaires : on lui a donné le nom de cristal d’Islande, parce qu’il y en a des morceaux qui, quand ils sont polis, ont autant de transparence que le cristal de roche, et que c’est en Islande qu’il s’en est trouvé en plus grande quantité[2] ; mais on en trouve aussi en France[3], en Suisse, en Allemagne, à la Chine, et dans plusieurs autres con-

  1. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 264 et suiv.
  2. « Huygens dit qu’on trouve en Islande des morceaux de ce cristal qui pèsent quatre à cinq livres, et qui sont d’une belle transparence. » Traité de la lumière, p. 59 et suiv. — Il paraît que ce spath, si commun en Islande, se trouve de même dans le Groenland : « Les Groenlandais, disent les relateurs, vont chercher sur leurs côtes méridionales, comme une rareté, des blocs d’une pierre blanche à demi transparente ; elle est aussi fragile que du spath, et si tendre qu’on peut la tailler avec un canif. » Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 28.
  3. Il y a auprès d’un ruisseau près de Maza, dans la paroisse de Saint-Alban, une espèce de carrière de ce spath appelé cristal d’Islande. « Ce sont, dit M. l’abbé de Sauvages, plusieurs groupes de cristaux en aiguilles, dont la pointe inférieure se dirige vers une base commune, qui est le rocher ou le marbre dont nous avons déjà parlé : c’est la disposition que j’ai vu garder à différentes espèces de cristallisations pierreuses, lorsqu’elles