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Groenland[1] ; enfin, quoique les voyageurs ne nous parlent pas des amiantes de l’Afrique et de l’Amérique, on ne peut pas douter qu’il ne s’en trouve dans la plupart des montagnes graniteuses de ces deux parties du monde, et l’on doit croire que les voyageurs n’ont fait mention que des lieux où l’on a fait quelque usage de cette matière, qui par elle-même n’a que peu de valeur réelle et ne mérite guère d’être recherchée.


CUIR ET LIÈGE DE MONTAGNE

Dans l’amiante et l’asbeste, les parties constituantes sont disposées en filaments souvent parallèles, quelquefois divergents ou mêlés confusément ; dans le cuir de montagne, ces mêmes parties talqueuses ou micacées qui en composent la substance sont disposées par couches et en feuillets minces et légers, plus ou moins souples, et dans lesquels on n’aperçoit aucun filament, aucune fibre : ce sont des paillettes ou petites lames de talc ou de mica, réunies et superposées horizontalement, plus ou moins adhérentes entre elles, et qui forment une masse mince comme du papier, ou épaisse comme un cuir et toujours légère, parce que ces petites couches ne sont pas réunies dans tous les points de leur surface, et qu’elles laissent entre elles tant de vide que cette substance acquiert presque le double de son poids par son imbibition dans l’eau[2].

Le liège de montagne, quoiqu’en apparence encore plus poreux, et même troué et caverneux, est cependant plus dur et d’une substance plus dense que le cuir de montagne, et il tire beaucoup moins d’eau par l’imbibition[3]. Les parties constituantes de ce liège de montagne ne sont pas disposées par couches ou par feuillets appliqués horizontalement les uns sur les autres, comme dans le cuir de montagne, mais elles sont contournées en forme de petits cornets qui laissent d’assez grands intervalles entre eux, et la substance de ce liège est plus compacte et plus dure que celle du cuir auquel nous le comparons ; mais l’essence de l’un et de l’autre est la même, et ils tirent également leur origine et leur formation de l’assemblage et de la réunion des particules du mica moins atténuées que dans les talcs ou les amiantes.

Ce cuir et ce liège sont ordinairement blancs, et quelquefois jaunâtres ; on en a trouvé de ces deux couleurs en Suède, à Sahlberg et à Danemora. M. Montet a donné une bonne description du liège qu’il a découvert le long du chemin de Mandagout à Vigan, diocèse

    sépare et après les filent ainsi qu’on fait la laine, et en font des draps ; et quand ils les veulent blanchir les jettent dedans un grand feu, puis les en retirent plus blancs que la neige, sans être aucunement endommagés, et en cette manière les nettoient et les blanchissent quand ils sont sales et tachés, et ne leur font autre lessive que le feu… Ils disent à Rome avoir une nappe faite de salamandre, en laquelle ils gardent le Saint-Suaire de Notre-Seigneur, et qu’autrefois elle a été envoyée par un roi des Tartares au pape Romain. » Description géographique de l’Inde, par Marc Paul, chap. xlvi, liv. i, p. 26.

  1. L’amiante que le missionnaire Égède a découvert en Groenland se trouve en Sibérie, et on y fait quelques petits morceaux de toile incombustible. Description de l’Islande, par Anderson ; Hambourg, 1746.
  2. La pesanteur spécifique du cuir fossile ou de montagne est de 6 806 ; et celle de ce même cuir pénétré d’eau est de 13 492. Voyez les Tables de M. Brisson.
  3. La pesanteur spécifique du liège de montagne est de 9 933, c’est-à-dire de près d’un tiers plus grande que celle du cuir de montagne, et lorsqu’il est pénétré d’eau, sa pesanteur spécifique n’est que de 12 492, c’est-à-dire moindre que celle du cuir imbibé d’eau. Idem, ibidem.