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AMIANTE ET ASBESTE

L’amiante et l’asbeste sont encore des substances talqueuses qui ne diffèrent l’une de l’autre que par le degré d’atténuation de leurs parties constituantes : toutes deux sont composées de filaments séparés longitudinalement, ou réunis assez régulièrement en directions obliques et convergentes ; mais, dans l’amiante, ces filaments sont plus longs, plus flexibles et plus doux au toucher que dans l’asbeste ; et, comme cette même différence se trouve entre les talcs et les micas, on peut en conclure que l’amiante est composé de parties talqueuses, et l’asbeste de parties micacées qui n’ont pas encore été assez atténuées pour prendre la douceur et la flexibilité du talc : il y a des amiantes en filaments longs de plus d’un pied, et des amiantes en filaments qui n’ont que quelques lignes de longueur, mais ils sont également flexibles et doux au toucher. Ces filaments ont le lustre et la finesse de la soie ; ils sont unis parallèlement dans leur longueur, on peut même les séparer les uns des autres sans les rompre ; les amiantes longs, qui se trouvent dans les Alpes piémontaises, sont d’un assez beau blanc ; et les amiantes courts qu’on trouve aux Pyrénées sont d’un blanc verdâtre. Nous verrons tout à l’heure que les Alpes et les Pyrénées ne sont pas les seuls lieux qui produisent cette substance, et qu’on la rencontre dans toutes les parties du monde, au pied ou sur les flancs des montagnes vitreuses.

L’asbeste, qui n’est que de l’amiante imparfait et moins doux au toucher, se présente en filets semblables à ceux de l’alun de plume, ou bien en groupes et en épis dont les filaments sont adhérents les uns aux autres : nos nomenclateurs, auxquels les dénominations même impropres ne coûtent rien, ont appelé asbeste mûr le premier et asbeste non mûr le dernier, comme s’ils différaient par la maturité de leur substance, tandis qu’elle est la même dans l’un et l’autre, et qu’il n’y a de différence que dans la position parallèle ou divergente des filaments dont ils sont composés.

L’asbeste et l’amiante ne se brûlent ni ne se calcinent au feu : les anciens ont donné le nom de lin incombustible à l’amiante en longs filaments, et ils en faisaient des toiles qu’on jetait au feu, au lieu de les laver pour les nettoyer ; cependant les amiantes longs ou courts, et les asbestes mûrs ou non mûrs se vitrifient comme le talc à un feu violent, et donnent de même une scorie cellulaire et poreuse : quelques-uns de nos habiles chimistes, ayant observé qu’il se trouve quelquefois du schorl dans l’amiante, ont pensé qu’il pouvait être formé par la décomposition du schorl, et qu’on devait les regarder l’un et l’autre comme des produits basaltiques[1] ; mais ni le schorl ni l’amiante ne sont des matières volcaniques ; le schorl est un verre de nature produit par le feu primitif, et l’amiante ainsi que l’asbeste ont été formés par la décomposition du mica, qui, ayant été atténué par l’intermède des éléments humides, leur a donné naissance ainsi qu’au talc et à toutes les autres substances talqueuses.

L’amiante se trouve souvent mêlé, et comme incorporé dans les serpentines et pierres ollaires en si grande quantité, que quelques observateurs ont pensé que ces pierres tiraient leur origine de l’amiante[2] ; mais nous dirons avec plus de vérité que leur origine est commune, c’est-à-dire que ces pierres et l’amiante proviennent également de l’agrégation des

  1. Voyez les Lettres de M. Demeste, t. Ier p. 398.
  2. Quelquefois la pierre ollaire verte, dans le premier degré de son endurcissement, est de l’amiante ou de l’asbeste. Les carrières de serpentines de Zœplitz, et les échantillons que M. Targioni a ramassés dans les montagnes de Gabbro d’Impruneta, à sept milles de Florence et de Prato, me le persuadent. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, p. 120.