Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sieurs autres contrées[1] ; on l’appelle en Italie pietra di sartori, pierre des tailleurs d’habits, parce que ces ouvriers s’en servent pour rayer leurs étoffes : ordinairement elle est blanche, cependant il y en a de la grise, de la rouge, de la marbrée, de couleur jaunâtre et verdâtre dans quelques contrées[2]. Cette pierre n’a de rapport avec la craie que par sa mollesse : on peut l’entamer avec l’ongle dans son état naturel ; mais elle se durcit au feu comme toutes les autres pierres talqueuses, elle est de même douce au toucher, et ne prend qu’un poli gras.

La pierre de lard, dont les Chinois font un si grand nombre de magots, est de la même essence que cette pierre craie d’Espagne : communément elle est blanche ; cependant il s’en trouve aussi d’autres couleurs et particulièrement de couleur de rose, ce qui donne à ces figures l’apparence de la chair. Ces pierres de lard, soit de la Chine, soit d’Espagne ou des autres contrées de l’Europe, sont moins dures que les serpentines et les pierres ollaires, et néanmoins on peut les employer aux mêmes usages, et en faire des vases et de la vaisselle de cuisine qui résiste au feu, s’y durcit et ne s’imbibe pas d’eau ; elles ne diffèrent en un mot des pierres ollaires que parce qu’elles sont plus tendres et moins colorées. M. Pott, qui a comparé cette pierre de lard de la Chine avec la craie d’Espagne, les pierres ollaires et les serpentines, dit avec raison « que toutes ces pierres sont de la même essence ; on y aperçoit souvent, quand on les rompt, des particules brillantes de talc, l’air n’y cause d’autre changement que de les durcir un peu davantage : si on les jette dans l’eau, il s’y en imbibe un peu avec sifflement, mais elles ne s’y dissolvent pas comme l’argile… La poudre de ces pierres forme, avec l’eau, une pâte qu’on peut pétrir aisément : suivant les différents degrés de feu auquel on les expose, elles se durcissent jusqu’au point d’étinceler abondamment lorsqu’on les frappe contre l’acier, et elles prennent alors un beau poli ; elles blanchissent pour l’ordinaire à un feu découvert, et c’est par cette blancheur que la terre de la Chine l’emporte si fort sur les autres espèces, mais un feu renfermé la jaunit. L’espèce jaune de cette terre rougit au contraire, son rouge devient même vif, il en sort des étincelles, et son poli égale presque celui du jaspe : cela me fait soupçonner que ces têtes excellemment gravées, ces statues et ces autres monuments des anciens ouvriers, dont l’art, la durée et la dureté font aujourd’hui l’admiration des nôtres, ne sont autre chose que des ouvrages faits avec des terres stéatiques sur lesquelles on a pu travailler à souhait, et qui, ayant acquis au feu la dureté des pierres, ont finalement été embellies de la polissure qui y subsiste encore.

» En sculptant exactement cette terre crue, on en peut faire les plus excellents ouvrages des statuaires, qui reçoivent ensuite au feu une parfaite dureté, qui sont susceptibles du plus beau poli, et qui résistent à toutes les causes de destruction.

» Mais surtout les chimistes peuvent s’en servir pour faire les fourneaux et les creusets les plus solides, et qui résistent admirablement au feu et à la vitrification[3]. »

    25 834, c’est-à-dire à peu près égale à celle de la serpentine opaque veinée de noir et d’olivâtre, mais considérablement moindre que celle de la plupart des autres serpentines et pierres ollaires.

  1. En Allemagne, dans le margraviat de Bareith, en Suisse, etc.
  2. C’est peut-être aussi à ce genre qu’appartient l’espèce de craie verte et savonneuse, dans la montagne de Galand, aussi bien qu’auprès de Kublitz et de Prettigow, dont parle Scheuchzer : qu’on en tire abondamment de la Chine, c’est ce que prouvent tant de petites images et figures travaillées de toutes les manières et teintes extérieurement, qu’on apporte en Europe, sous le nom de figures et de tasses de la Chine, qui sont réellement faites du speckstein de la Chine ; seulement cette espèce est pour l’ordinaire plus transparente que les autres. M. Pott, Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 57 et suiv.
  3. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747.