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de granit et de grès, on en pourrait rencontrer, comme l’on y trouve en effet d’autres concrétions du talc et du mica : cette matière, au prix que la vendent les Anglais, est assez chère pour en faire la recherche, d’autant que l’exportation en est prohibée avant qu’elle ne soit réduite en crayons fins et grossiers, qu’ils ont soin de toujours mélanger d’une plus ou moins grande quantité de soufre.


PIERRE DE LARD ET CRAIE D’ESPAGNE

On a donné ces noms impropres aux pierres dont il est ici question, parce qu’ordinairement elles sont blanches comme la craie, et qu’elles ont un poli graisseux qui leur donne la ressemblance avec le lard. Nous en connaissons de deux sortes, qui ne nous offrent que de très légères différences : la première est celle qui porte le nom de pierre de lard, et dont on fait des magots à la Chine ; et la seconde est celle à laquelle on a donné la dénomination de craie d’Espagne, mais très improprement[1], puisqu’elle n’a aucun autre rapport avec la craie, que la couleur et l’usage qu’on en fait en la taillant de même en crayons pour tracer des lignes blanches ; car cette craie d’Espagne et la pierre de lard de la Chine sont toutes deux des stéatites ou pierres talqueuses dont la substance est compacte et pleine, sans apparence de couches, de lames ou de feuillets ; elles sont blanches, sans taches et sans couleurs variées ; elles n’ont pas autant de dureté qu’en ont les serpentines et les pierres ollaires, quoique leur densité soit plus grande que celle de ces pierres[2].

Cette pierre, craie d’Espagne, est d’autant plus mal nommée qu’on la trouve en plu-

    de crayon. Il ne faut pas confondre cette matière avec ce que nous appelons communément en Espagne lapis, parce que ce sont deux choses différentes : celle-ci est l’ampélite, pierre noire, tendre et cassante, qui sert aussi à crayonner ; elle a un goût assez astringent et une odeur bitumeuse ; elle se décompose au grand air comme les pyrites sulfurées

    » À quelque distance de Ronda, nous vîmes la fameuse mine de molybdène ou de plomb à crayonner, qui est à environ quatre lieues de la Méditerranée. C’est une mine régulière qui n’est pas en pelotons dans la pierre de grès comme la précédente, et cependant les Espagnols l’ont entièrement négligée. » Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 67 et 75.

  1. On a donné le nom de stéatite, en allemand speckstein, à cette matière qui nous vient de la Chine, où on lui donne toutes sortes de figures, et d’où elle nous est ainsi envoyée toute façonnée. Quant à la nature et aux propriétés de cette pierre, il n’y a presque aucune différence entre nos espèces européennes et celle de la Chine : on donne ordinairement à celles qui se trouvent dans nos contrées des noms tirés des usages auxquels on les emploie. On en tire du territoire de Bareuth, qui s’appelle schmeerstein. L’espèce la plus commune, qui se rencontre ici chez les droguistes, y porte le nom de craie d’Espagne, terme qu’il serait inutile de chercher dans les auteurs, ni même dans le Dictionnaire universel. Ce titre de craie lui vient de ce qu’elle sert, comme la craie, à tirer des lignes blanches, et pour cet effet on la fend avec une scie en petits bâtons longs et carrés : d’ailleurs, quant aux vrais principes de sa composition, elle n’appartient point aux véritables espèces de craie (quoique Pline y range la terre de Cimola), car elle ne contient point de terre alcaline ni de chaux, comme la craie ordinaire ; mais il est cependant certain que notre craie d’Espagne ne vient point d’Espagne. M. Pott, Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 59 et suiv.
  2. La pesanteur spécifique de la craie d’Espagne est de 27 902, c’est-à-dire presque égale à celle du talc. La pesanteur spécifique de la pierre de lard de la Chine est de