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de charbon de terre. On tranche à la scie les blocs que l’on en tire, et l’on en fait ensuite de la vaisselle de toutes formes ; elle ne casse point au feu, et les bons économes la préfèrent à la faïence et à la poterie : comme toutes les autres poteries ou terres, elle s’échauffe et se refroidit plus vite que le cuivre ou le fer, et, lorsqu’on lui fait subir l’action d’un feu violent, elle blanchit et se durcit au point de faire feu contre l’acier. Toutes les autres pierres ollaires ont à peu près les mêmes propriétés, et ne diffèrent de la pierre de Côme que par la variété de leurs couleurs ; il y en a dans lesquelles on distingue à la fois du blanc, du noir, du gris, du vert et du jaune ; d’autres dans lesquelles les paillettes de mica et les petites lames talqueuses sont plus nombreuses et plus brillantes ; mais toutes sont opaques, tendres et douces au toucher, toutes se durcissent à l’air, et encore plus au feu, toutes participent de la nature du talc et de l’argile, elles en réunissent les propriétés, et peuvent être regardées comme l’une des nuances par lesquelles la nature passe du dernier degré de la composition des micas au premier degré de la composition des argiles et des schistes.

La densité de la pierre de Côme et des autres pierres ollaires est considérablement plus grande que celle de la plupart des serpentines, et encore plus grande que celle du talc[1] ; ce qui me fait présumer qu’il est entré des parties métalliques, et particulièrement du fer dans leur composition, ainsi que dans la serpentine fibreuse, et dans le mica noir qui sont beaucoup plus pesants que les autres : on en a même acquis la preuve, car, après avoir pulvérisé des pierres ollaires, M. Pott et d’autres observateurs en ont tiré du fer par le moyen de l’aimant ; ce fer était donc dans son état magnétique lorsqu’il s’est mêlé avec la matière de ces pierres, et ce fait nous démontre encore que toutes ces pierres serpentines et ollaires ne sont que de seconde et même de troisième formation, et qu’elles n’ont été produites que par les détriments et les exfoliations des talcs et des micas, mêlés de particules de fer.

Ces pierres talqueuses se trouvent non seulement dans le pays des Grisons, mais dans plusieurs autres endroits de la Suisse[2], et il est à présumer qu’on en trouverait

    dinaire que trois pieds de hauteur : ceux qui y travaillent sont obligés de se couler sur le ventre près d’un demi-mille, et, après avoir coupé la pierre, de la rapporter en cette posture sur leurs hanches, une chandelle attachée au front ; il est vrai qu’ils ont des coussins sur les hanches, qui empêchent qu’ils ne soient offensés de la dureté de la pierre ; mais, quand il n’y aurait que la pesanteur de la pierre, ils doivent être extrêmement incommodés de leur travail ; car ces sortes de pierres pèsent ordinairement deux cents. » Voyages en France, etc., par Burnet ; Rotterdam, 1687, p. 183 et suiv.

  1. La pesanteur spécifique de la pierre de Côme est de 28 729 ; celle de la pierre ollaire feuilletée de Suède est de 28 531 ; celle du talc de Moscovie n’est que de 27 917 ; celle de la plupart des serpentines est entre 22 et 26 000.
  2. « Dans le pays des Grisons, les pierres talqueuses, dit M. Guettard, se rencontrent fréquemment vers les sources du bas Rhin ; il y en a dont le fond est blanc, et les paillettes dorées ou argentées ; à Jannico, le talc est blanc, à Philimer, il est de la même couleur, et la pierre a des veines d’un brun foncé ; à Soglio et sur le mont Bergelta, il est blanc, et d’un blanc tirant sur le vert ; enfin on en voit dans quelques autres endroits où il est vert et à demi transparent ; cette pierre, suivant M. Scheuchzer, est celle que Pline nomme pierre de Côme, ville où l’on apportait les vaisseaux fabriqués de cette pierre pour les envoyer dans toute l’Italie ; elle venait d’Uscion près de Chiavenne, et on y en tire encore aujourd’hui… Il y en a encore proche Pleurs, dans les endroits appelés Dafile et Casetto, dans le comté de cette ville, au pied de la montagne de Loro, au-dessus des bains de Masseno et dans la vallée de Malanga, tous endroits de la Valteline… Il y en a encore dans la vallée de Verzasca, dans la préfecture de Locarno dans le Valais, entre Visp et Stalden. Cette pierre n’est pas la même dans tous ces endroits ; celle qui se tire près de Chiavenne est grise ; dans le comté de Pleurs et à Visp, elle est d’un vert noirâtre avec