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fait commerce dans cette petite ville de l’Italie. La cassure de cette pierre de Côme n’est pas vitreuse, mais écailleuse ; sa substance est semée de particules brillantes de mica ; elle n’a que peu de dureté et se coupe aisément ; on la travaille au ciseau et au tour, elle est douce au toucher, et sa surface polie est d’un gris mêlé de noir. Cette pierre se trouve en petits bancs sous des rochers vitreux beaucoup plus durs, en sorte qu’on en exploite les carrières sous terre en suivant ce lit de pierre tendre[1], comme l’on suivrait une veine

    reste que les pots les plus petits qu’il soit possible, en suite de quoi ils portent tous ces vases aux foires l’un dans l’autre, et tellement contigus qu’ils ne semblent faire encore qu’une seule masse. » Burnet confirme la même chose dans son Voyage de Suisse, ajoutant : « qu’ils détachent ces vases les uns des autres par le moyen d’une meule à eau, à laquelle des couteaux sont attachés. » Il dit aussi « qu’on cuit les aliments beaucoup plus vite dans ces pots que dans des pots de métal, que le fond et le bas y demeurent beaucoup plus chauds, que les viandes y ont un goût plus savoureux, que le feu n’y fait point de fentes, et que s’ils viennent à se casser, on peut les recoudre avec un fil de fer. » Il y a auprès de Plurium (Pleurs), ville des Grisons, une montagne toute remplie de cette pierre, qu’on en tirait en si grande quantité que cela faisait, au rapport de Scheuchzer, un profit de soixante mille ducats par an : mais il y a toute apparence que c’est en continuant imprudemment à creuser cette montagne pendant tant de siècles, qu’on a attiré à la ville la catastrophe par laquelle elle fut ensevelie sous la montagne en 1618 ; car, suivant Gulerus, cette montagne, qui s’appelle Conto, avait été travaillée et creusée sans interruption depuis la naissance de Notre-Seigneur. Néanmoins Scheuchzer dit qu’on trouve encore aujourd’hui de semblables pierres, surtout aux environs de Chiavenne, et dans la vallée de Verzache, et qu’on en fait au tour divers vases, des pots, des écritoires, etc., qui sont d’une couleur cendrée ou verte, ayant d’abord beaucoup moins de consistance que quand ils ont durci pendant quelque temps à l’air. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1747, p. 59 et suiv.

  1. C’est à cette pierre qu’on doit rapporter le passage suivant : « Il ne faut pas oublier de vous parler ici de je ne sais quels pots de pierre, dont non seulement ils se servent en ce pays-là, mais qui sont communs dans toute la Lombardie, et qu’on appelle lavège. La pierre dont ils les font est une pierre huileuse, mais surtout si écailleuse, que si vous la touchez il s’attache de l’écaille à vos doigts, et c’est au fond une espèce d’ardoise dont ils ont trois mines ; l’une auprès de Chiavenne, l’autre est en la Valteline, et la troisième est chez les Grisons… Pour mettre cette pierre en œuvre et pour en faire des pots, ils commencent par la tirer de la mine en la levant en petits blocs d’environ un pied et demi de diamètre, et d’épaisseur un pied et quelque chose ; après quoi ils les portent à un moulin d’eau, où par le moyen d’une roue qui fait jouer quelques ciseaux, et cela avec une si grande facilité que celui qui mène l’ouvrage peut détourner sa roue de l’eau quand il lui plaît, d’abord la grosse croûte en est ôtée, puis elles sont polies, tant qu’enfin en appliquant sur diverses lignes de chacune d’elles le ciseau, on en enlève un certain nombre de pots, dont les uns sont grands et les autres petits, selon que la circonférence, en approchant du centre, va toujours en diminuant : c’est ainsi que se fait le corps du pot, qui en suite de cela est garni d’anses et des autres accompagnements qui lui sont nécessaires pour être en état de servir, après quoi il est porté dans la cuisine. Au reste, on remarque que ces pots de pierre bouillent plutôt que les pots de métal, comme aussi que les pots de métal transmettent leur chaleur à la liqueur qu’ils contiennent, qu’ils en conservent très peu pour eux-mêmes, jusque-là qu’on y peut arrêter la main sans se brûler, tandis que ces pots de pierre, qui sont deux fois aussi épais que les autres demeurent toujours extraordinairement chauds : on remarque aussi, de ces pots, qu’ils ne donnent aucun mauvais goût à la liqueur qui y bout, et, ce qui plaît fort aux ménagers, qu’ils ne se cassent jamais au feu ; il n’y a que la chute qui les brise, et encore y a-t-il du remède quand cela arrive ; car, si vous voulez prendre la peine de les raccommoder, leurs parties se rassemblent facilement, et par le moyen du fer d’archal se lient si bien les unes aux autres, qu’il n’y reste de trous que ceux que le fer d’archal a faits, mais qu’il a remplis en même temps. Il serait à souhaiter que ces pots se fissent aussi facilement qu’ils se refont, mais ce n’est pas cela… On a beaucoup de peine à tirer la pierre de la mine dont l’ouverture n’a pour l’or-