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Les serpentines opaques et tachées sont bien plus communes que ces serpentines demi-transparentes de couleur uniforme ; presque toutes sont au contraire marquetées ou veinées et variées de couleurs différentes ; elles ont des taches de blanc, de gris, de noir, de brun, de vert et de rougeâtre : quoique plus tendres que les premières et même moins dures que le marbre, elles se polissent assez bien, et, comme elles ne font aucune effervescence avec les acides, on les distingue aisément des beaux marbres avec lesquels on pourrait les confondre par la ressemblance des couleurs et par leur poli. D’ailleurs, loin de se calciner au feu comme le marbre, toutes les serpentines s’y durcissent et y résistent même plus qu’aucune autre pierre vitreuse ou calcaire : on peut en faire des creusets comme on en fait avec la molybdène qui, quoique moins dure que les serpentines, est, au fond, de la même essence, ainsi que toutes les autres stéatites.

« À deux lieues de la ville de Grenade, dit M. Bowles, se trouve la fameuse carrière de serpentine, de laquelle on a tiré de belles colonnes pour les salons de Madrid, et plusieurs autres morceaux qui ornent le palais du roi. Cette serpentine prend un très beau poli[1]. »

Nous ne connaissons point de semblables carrières en France ; cependant M. Guettard a observé que les rivières de Cervières et de Guil, en Dauphiné, entraînent d’assez gros morceaux de serpentines, et qu’il s’en trouve même dans la vallée de Souliers, ainsi que dans plusieurs autres endroits de cette province : on en voit des petites colonnes dans l’église des Carmélites à Lyon[2].

En Italie, les plus grands morceaux de serpentine que l’on connaisse sont deux colonnes dans l’église de Saint-Laurent à Rome. La pierre appelée gabro par les Florentins est une sorte de serpentine. « Il y a, dit M. Faujas de Saint-Fond, des gabros verdâtres ou jaunâtres avec des taches d’un vert plus ou moins foncé ; d’autres sont chargés de taches rougeâtres demi-transparentes sur un fond verdâtre. On remarque dans plusieurs gabros des micas de différentes couleurs… J’ai dans ma collection un très beau gabro d’Italie, d’une consistance dure, d’un poli gras mais très éclatant, mêlé d’un rouge très vif sur un fond noir verdâtre, dans lequel on voit de petites lames de mica traverser le vert[3]. » Cette pierre est si commune aux environs de Florence, que l’on s’en sert pour paver les rues comme pour orner les maisons et les églises : il y en a de très beaux morceaux dans celle des Chartreux, à trois milles de Florence[4].

    meste, etc., t. Ier, p. 543. — « La pierre, dit M. Guettard, à laquelle on attribue la vertu de guérir la colique néphrétique, se trouve dans le pays des Grisons, au-dessus de la montagne d’Isette proche Tæffe-Kasten, et sur la montagne Septine. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1752, p. 324.

  1. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 424.
  2. Mémoires sur la minéralogie du Dauphiné, t. Ier, p. 26 et 30.
  3. Recherches sur les volcans éteints, p. 250 et 251.
  4. Les espèces de serpentines ou de gabros des environs d’Impruneta sont blanches, rouges, jaunes, noires, vertes, d’une seule couleur ou de plusieurs ensemble ; il y en a de jaunes, mêlées de rouge, de noires et rouges, vertes et jaunes. Toutes ces serpentines sont fermes, compactes et traversées par de petites veines d’asbeste. Elles contiennent un mica verdâtre, argenté, gras ou talqueux, cubique comme la blinde cornée, qui se réduit, en la raclant avec un couteau, en une farine grasse. J’observai dans les fentes perpendiculaires de ce gabro, qui peuvent avoir depuis un travers de main jusqu’à une demi-aune de large, les variétés de terre suivantes :

    1o De la terre ollaire molle et sèche ; 2o la même terre de couleur verte ; 3o de la pierre ollaire ou serpentine compacte, blanche, qui paraît être formée par l’endurcissement de la terre blanche no 1 : cette pierre est ou entièrement endurcie, ou encore grasse au toucher, et facile à racler comme la craie de Briançon ; 4o de la pierre ollaire verte et blanche compacte, formée par la terre ollaire molle et verte du no 2, variée comme celle du numéro