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de quelques autres de nos provinces. « Avant d’arriver à Remiremont, dit M. de Grignon[1], l’on rencontre des poudingues rouges, gris et jaunes ; ils sont d’une très grande dureté et susceptibles d’un poli éclatant. » Mais, en général, il y a peu de poudingues dont toutes les parties se polissent également, le ciment vitreux étant presque toujours plus tendre que les cailloux qu’il réunit ; car ce ciment n’est ordinairement composé que de petits grains de quartz ou de grès, qui ne sont, pour ainsi dire, qu’agglutinés ensemble : plus ces grains sont gros, plus le ciment est imparfait et friable, en sorte qu’il y a des poudingues qu’on peut diviser ou casser sans effort ; ceux dont les grains du ciment sont plus fins ou plus rapprochés ont aussi plus de cohérence ; mais il n’y a que ceux dans lesquels les grains du ciment sont très atténués ou dissous qui aient assez de dureté pour recevoir un beau poli. On peut donc dire que la plupart des poudingues vitreux ne sont que des grès plus ou moins compacts, dans lesquels sont renfermés de petits cailloux de toutes couleurs et toujours plus durs que leur ciment.

La plus grande partie des cailloux qui composent les poudingues sont, comme nous l’avons dit, des fragments roulés : on peut en effet observer que ces fragments vitreux sont rarement anguleux, mais ordinairement arrondis, et plus ou moins usés et polis sur toute leur surface. Les poudingues nous offrent en petit ce que nous présentent en grand les bancs vitreux ou calcaires, qui sont composés des débris roulés de pierres plus anciennes. Ce sont également des agrégats de débris plus ou moins gros de diverses pierres, et surtout des roches primitives, qui ont été transportés, roulés et déposés par les eaux, et qui ont formé des masses plus ou moins dures, selon qu’ils se sont trouvés dans des sables plus ou moins fins et plus ou moins analogues à leur propre substance[2]. La beauté des poudingues dépend non seulement de la dureté de leur ciment, mais aussi de la vivacité et de la variété de leurs couleurs. Après les cailloux de Rennes, les

    préférer aux poudingues d’Angleterre, dont le fond de couleur est communément d’un brun plus ou moins foncé, ce qui les rapproche beaucoup plus des poudingues communs. La couleur rouge des cailloux de Rennes est variée de jaune… quelquefois il y a de petites marques entièrement jaunes et d’autres qui n’ont qu’un très petit point rouge dans leur milieu… Entre ces cailloux, on en remarque quelquefois de petits qui sont blancs, qui ont quelque chose de transparent, et l’air de tenir de la nature du quartz… Outre les cailloux, dont le fond de couleur est rouge, il s’en trouve qui sont verdâtres… On trouve dans d’autres provinces de la France des poudingues qui ont encore plus de rapport que les cailloux de Rennes avec ceux d’Angleterre, mais qui ne prennent pas aussi bien le poli. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1753, p. 153.

  1. Mémoires de physique, p. 385.
  2. « Aucun des poudingues, dit M. Guettard, dont il a été question jusqu’à présent, ne prendrait peut-être un aussi beau poli qu’une espèce de ce genre de pierre qui se trouve dans quelques carrières de cailloux de pierre à fusil des environs de l’Aigle en Normandie… Ils y ont été liés, après leur formation, par une matière semblable à celle dont ils sont faits eux-mêmes et qui, les égalant au moins en dureté, doit prendre un poli qui ne doit point le céder en vivacité à celui que l’on donne à la pierre à fusil… Leur couleur est brune ou d’un brun noirâtre.

    Si beau que fût le poli de ce poudingue, il ne le serait peut-être pas encore autant que celui que prend une pierre de la Rochepont-Saint-Thibault, près Maltavenue en Orléanais. Un défaut de tous les poudingues, excepté ceux de l’Aigle, les cailloux de Rennes et les brèches, vient de ce que, si dur que soit le ciment qui lie leurs cailloux, il ne l’est pas encore autant qu’eux. Le ciment de la Rochepont-Saint-Thibault est si considérable, qu’il semble même qu’il n’y en ait pas, et que ces cailloux ne soient seulement que différentes grandes taches d’une pierre composée d’une matière aussi marbrée et qui s’est durcie… Leur couleur est des plus simples et des moins variées : un peu de jaune terne sur un fond brun fait tout le marbré de cette pierre qui se trouve en assez grande masse. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1753, p. 165 et 166.