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Il paraît donc que l’acide aérien, ainsi que les autres acides, pénètrent à la longue dans les mêmes petites fêlures qui ont donné passage à la matière des herborisations, et qu’ils doivent les faire disparaître lorsque cette matière est de nature à pouvoir être dissoute par l’action de ces mêmes acides : aussi avons-nous démontré que c’est cet acide aérien qui peu à peu décompose la surface des cailloux exposés aux impressions de l’air, et qui convertit, avec le temps, toutes les pierres vitreuses en terre argileuse.


POUDINGUES

Les cailloux composés d’autres petits cailloux, réunis sous une même enveloppe par un ciment de même essence, sont encore des cailloux qui ne diffèrent des autres qu’en ce qu’ils sont des agrégats de cailloux précédemment formés et qui, se trouvant environnés par des matières vitreuses, forment une masse dont la texture est différente de celles des cailloux produits immédiatement par le suc vitreux et composés de couches additionnelles et concentriques. Quelque grossier que soit le ciment vitreux qui réunit ces petits cailloux, leurs agrégats ne laissent pas d’être mis au nombre des poudingues, et même ce nom se prend dans une acception plus étendue, car on nomme poudingues toutes les pierres composées de morceaux d’autres pierres plus anciennes, unis ensemble par un ciment pierreux quelconque, quoique souvent ces petits cailloux des poudingues ne soient pas de vrais cailloux formés par le suintement des eaux, mais simplement des fragments de quartz, de jaspe et d’autres matières vitreuses, dont les morceaux longtemps roulés dans les sables, et arrondis par le frottement, se sont ensuite agglutinés et réunis les uns aux autres dans ces mêmes sables, par l’accession d’un suc ou ciment vitreux plus ou moins pur, ou même d’un suc calcaire.

Il y a donc des poudingues dont les pierres constituantes, et le ciment vitreux qui les lie, sont de même essence, presque également compactes, et ces poudingues ont la dureté, la densité et toutes les autres propriétés du caillou ; dans d’autres poudingues, également vitreux et en beaucoup plus grand nombre, les fragments soit des cailloux proprement dits, soit simplement de pierres roulées, n’étant réunis que par un ciment plus faible ou plus impur, la masse qui en résulte n’est pas également dure et dense dans toutes ses parties, et par conséquent ces poudingues ne reçoivent un poli vif que sur les petits cailloux dont ils sont composés, et leur ciment, quoique vitreux, n’a pas assez de dureté pour prendre le même éclat que le caillou qu’il enveloppe ; enfin, il y a d’autres poudingues composés de cailloux réunis par un ciment calcaire, et d’autres qui sont purement calcaires, n’étant composés que de morceaux de pierre dure ou de marbre, réunis par un ciment spathique ou terreux, comme sont les marbres-brèches[1].

Nous avons parlé des brèches à l’article des marbres : ainsi nous ne ferons ici mention que des poudingues vitreux, tels que ceux qu’on a nommés cailloux d’Écosse ou d’Angleterre, et nous observerons qu’il s’en trouve d’aussi beaux en France. Nous avons déjà cité les cailloux de Rennes[2], et l’on peut y joindre les poudingues de Lorraine, et ceux

  1. M. Guettard donne le nom de poudingues à toutes les pierres qui sont formées de cailloux vitreux ou pierres calcaires réunies ensemble par un ciment quelconque ; il croit, par conséquent, que l’on peut ranger les marbes-brèches avec les poudingues. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1753, p. 139.
  2. Les cailloux de Rennes sont des poudingues qui, par la variété de leurs couleurs, par leur dureté et l’éclat du poli, peuvent être comparés aux cailloux d’Angleterre. « Je ne sais même, dit M. Guettard, si le fond rouge des cailloux de Rennes ne pourrait pas les faire