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au bord des rivières ou sont rejetées par la mer sur les grèves et les basses côtes, et on leur donne le nom de galets lorsqu’elles sont aplaties.

Mais les cailloux proprement dits, les vrais cailloux, sont des concrétions formées comme les agates par exsudation ou stillation du suc vitreux, avec cette différence que, dans les agates et autres pierres fines, le suc vitreux plus pur forme des concrétions demi-transparentes, au lieu qu’étant plus mélangé de matières terreuses ou métalliques, il produit des concrétions opaques.

Le caillou prend la forme de la cavité dans laquelle il est produit, ou plutôt dans laquelle il se moule, et souvent il offre encore la figure des corps organisés, tels que les bois, les coquilles, les oursins, les poissons, etc., dans lesquels le suc vitreux s’est infiltré en remplissant les vides que laissait la destruction de ces substances : lorsque le fond de la cavité est un plan horizontal, le caillou ne peut prendre que la forme d’une plaque ou d’une table sur le sol ou contre les parois de cette cavité[1] ; mais la forme globuleuse et la disposition par couches concentriques est celle que les cailloux affectent le plus souvent ; et tous, en général, sont composés de couches additionnelles, dont les intérieures sont toujours plus denses et plus dures que les extérieures. La cause du mécanisme de cette formation se présente assez naturellement ; car la matière qui suinte des parois de la cavité dans laquelle se forme le caillou ne peut qu’en suivre les contours et produire dans cette concavité une première couche qu’on doit regarder comme le moule extérieur et l’enveloppe des autres couches qui se forment ensuite et successivement au dedans de cette première incrustation, à mesure que le suc vitreux peut les pénétrer et suinter à travers ses pores : ainsi, les couches se multiplient en dedans, et les unes au-dessous des autres, tant que le suc vitreux peut les pénétrer et suinter à travers leurs pores ; mais, lorsqu’après avoir pris une forte épaisseur et plus de densité, ces mêmes couches ne permettent plus à ce suc de passer jusqu’au dedans de la cavité, alors l’accroissement intérieur du caillou cesse et ne se manifeste plus que par la transmission de parties plus atténuées et de sucs plus épurés, qui produisent de petits cristaux. L’eau passant dans l’intérieur du caillou, chargée de ces sucs, en remplit d’abord la cavité, et c’est alors que s’opère la formation des cristaux qui tapissent l’intérieur des cailloux creux. On trouve quelquefois les cailloux encore remplis de cette eau, et tout observateur sans préjugé conviendra que c’est de cette manière qu’opère la nature ; car, si l’on examine avec quelque attention l’intérieur d’un caillou creux ou d’une géode, telle que la belle géode d’améthyste qui est au Cabinet du Roi, on verra que les pointes de cristal dont son intérieur est tapissé partent de la circonférence et se dirigent vers le centre qui est vide : la couche extérieure de la géode est le point d’appui où sont attachées toutes ces pointes de cristal par leur base ; ce qui ne pourrait être si la cristallisation des géodes commençait à se faire par les couches les plus voisines du centre, puisque, dans ce dernier cas, ces pointes de cristal, au lieu de se diriger de la circonférence vers le centre, tendraient au contraire du centre à la circonférence, en sorte que l’intérieur, qui est vide, devrait être plein et hérissé de pointes de cristal à sa surface.

  1. Les cailloux qui sont en plaques se forment dans les fentes des pierres… Il y a de ces plaques qui peuvent avoir un ou deux pieds et plus de diamètre ; d’autres n’ont guère qu’un demi-pied et quelquefois moins ; les premières n’ont souvent qu’une ligne ou deux d’épaisseur, les autres trois ou quatre ; celles-ci se forment ordinairement dans les fentes horizontales, les autres dans celles qui sont perpendiculaires.

    Les parois de ces dernières fentes en sont souvent tapissées dans toute leur étendue, et alors les plaques sont uniformes, c’est-à-dire qu’il ne pend point de leur côté inférieur des mamelons ni des espèces de branches ou ramifications que l’on trouve à celles qui ont pris naissance dans les fentes dont les parois n’étaient qu’à demi ou en partie recouvertes. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 174 et suiv.