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par leur beau poli, qui cependant n’est jamais aussi vif que celui des agates, cornalines, sardoines et autres pierres quartzeuses transparentes ou demi-transparentes, lesquelles sont aussi plus dures que les jaspes.

Les jaspes d’une seule couleur sont les plus purs et les plus fins ; ceux qui sont tachés, nués, ondés ou veinés, peuvent être regardés comme des jaspes impurs, et sont quelquefois mêlés de substances différentes ; si ces taches ou veines sont transparentes, elles présentent le quartz dans son état de nature ou dans son état d’agate ; et, s’il arrive que le feldspath ou le schorl aient part à la composition de ces jaspes mixtes, ils deviennent fusibles[1], comme toutes les matières vitreuses qui sont mélangées de ces deux verres primitifs.

Le plus beau de tous les jaspes est le sanguin, qui, sur un vert plus ou moins bleuâtre, présente des points ou quelques petites taches d’un rouge vif de sang, et qui reçoit dans toutes ses dimensions un poli luisant et plus sec que celui des autres jaspes. Quelques-uns de nos nomenclateurs, qui cependant ne craignent pas de multiplier les espèces et les sortes, n’en ont fait qu’une du jaspe sanguin et du jaspe héliotrope, quoique Boëce de Boot les eût avertis d’avance que le jaspe sanguin ne prend le nom d’héliotrope que quand il est à demi transparent[2], ce qui suppose un jaspe mixte dans lequel le suc cristallin du feldspath est entré, et produit des reflets chatoyants, au lieu que le jaspe sanguin n’offre ni transparence ni chatoiement dans aucune de ses parties.

Les jaspes, et surtout ceux de seconde formation, ressemblent aux cailloux par leur opacité et par leur poli, mais ils en diffèrent par la forme, qui est rarement globuleuse comme celle des cailloux, et on les distinguera toujours en examinant leur cassure ; la fracture des jaspes paraît être terreuse et semblable à celle d’une argile desséchée, tandis que la fracture des cailloux est luisante comme celle du verre. Les beaux jaspes héliotrope et sanguin nous viennent du Levant : les Romains les tiraient de l’Égypte ; mais les anciens comprenaient, sous ce nom de jaspe, plusieurs autres pierres qui ne leur ressemblaient que par la couleur verte, telles que les primes d’émeraude, les prases ou agates verdâtres, etc.[3].

  1. C’est cette fusibilité de certains jaspes qui a fait croire mal à propos à quelques-uns de nos minéralogistes que les jaspes, en général, étaient fusibles et mêlés de chaux. « Le jaspe, dit M. Monnet, est une pierre d’un fond gris blanchâtre ou verdâtre, mêlée de différentes teintes de rouge et de blanc, dont toute la substance est quartzeuse et tient le milieu entre ce caractère et l’agate ; elle est dure et solide, fait fortement feu contre le briquet, et a pour caractère distinctif d’entrer en vitrification d’elle-même, à cause de la grande quantité de chaux qu’elle contient. » Nouveau système de minéralogie ; Bouillon, 1779, p. 216.
  2. Les jaspes, par la variété et l’élégance de leurs couleurs et par la diversité des images qu’ils représentent, n’étaient pas moins estimés autrefois que les agates, et ils le seraient encore s’ils étaient moins communs. On préfère à tous les autres le jaspe oriental, qui est d’un vert bleuâtre obscur, parsemé de taches sanguines ; lorsqu’il est demi-transparent, on lui donne le nom d’héliotrope ou tournesol. On emploie le jaspe à faire des cachets, des figures, des cuillers, des tasses, des manches de couteaux, des chapelets, etc. Le jaspe n’est pas plus cher que l’agate, à moins qu’il ne soit riche en couleurs et en images, car alors il n’a point de prix déterminé. Boëce de Boot, liv. ii, p. 255 et 256.
  3. Les jaspes de l’Inde et de la Thrace ont la couleur de l’émeraude ; ceux de Chypre sont durs et d’un vert grossier ; ceux de Perse et des environs de la mer Caspienne sont d’une couleur semblable à celle du ciel dans les matinées d’automne, et c’est par cette raison que les anciens leur ont donné le nom d’Aerisuza. Les jaspes des environs du fleuve Thermodon sont bleus ; ceux de Phrygie, de couleur pourprée ; ceux de la Cappadoce, d’un pourpre tirant sur le bleu ; ceux de la Chalcide ont une couleur trouble et obscure. Les jaspes d’une couleur pourprée sont les plus recherchés, ensuite ceux de couleur de rose et d’un vert d’émeraude. Les Grecs ont donné à ces différents jaspes des dénominations analogues à leurs couleurs. Pline, liv. xxxvii, chap. viii et ix.