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En Savoie, on trouve une espèce de charbon de terre d’assez mauvaise qualité, et le principal usage qu’on en fait est pour évaporer les eaux des sources salées[1]. De toute la Suisse, le canton de Berne est le plus riche en mines de charbon : il s’en trouve aussi dans le canton de Zurich, dans le pays de Vaud aux environs de Lausanne, mais la plupart de ces charbons sont d’assez médiocre qualité[2].

En Italie, dont la plus grande partie a été ravagée par le feu des volcans, on trouve moins de charbon de terre qu’en Angleterre et en France. M. Tozzetti a donné de très bonnes observations[3] sur les bois fossiles de Saint-Cerbone et de Strido : j’ai cru devoir

    entremêlées ; mais, comme les concessionnaires actuels la font exploiter par des paysans, et qu’on met en vente indistinctement le bon et le mauvais charbon, la qualité en est décriée, le débit médiocre, et l’on préfère, à Séville et à Cadix, le charbon qu’on tire de Marseille et d’Angleterre, quoique le double plus cher.

    » Quant à celle qu’on a découverte près de Madrid, à six lieues au nord, au pied de la chaîne des montagnes de l’Escurial, sur le bord de la rivière de Mançanarez, qui passe à Madrid, c’est moi qui y ai fait la première tentative en 1763, au moyen d’un puits de soixante-dix pieds de profondeur et d’une traverse ; j’avais reconnu plusieurs veines dont la plus forte avait six pouces d’épaisseur, toutes d’un bitume desséché, assez dur, mais terne et brûlant faiblement : leur direction est aussi du levant au couchant, avec une pente d’un pied par toise au nord-ouest ; on a depuis continué ce travail, mais on n’y a pas encore trouvé de vrai charbon. » Note communiquée par M. le Camus de Limare.

  1. « Le charbon qu’on tire en Savoie, près de Moutier en Tarentaise, n’est qu’un charbon terreux ou terre-houille un peu bitumineuse : on l’emploie cependant avec du bois sous les chaudières des salines du roi ; mais la chaleur que donne ce charbon est si faible, que, si l’on continue à s’en servir, ce n’est que pour diminuer la consommation des forêts voisines, qui s’appauvrissent de plus en plus. » Note communiquée par M. le Camus de Limare.
  2. Du charbon de terre, par M. Morand, p. 451.
  3. Il dit que ces bois fossiles sont semblables à de gros troncs d’arbres qui ne forment point une couche continue comme les autres matières des collines où ils se trouvent, mais qu’ils sont ordinairement séparés les uns des autres, souvent deux ensemble et toujours d’une nature différente de celle du terrain où ils sont ensevelis : ils sont d’une couleur extrêmement noire, avec autant de lustre que le charbon artificiel ; mais ils sont plus denses et plus lourds, surtout lorsqu’on ne fait que les tirer de la terre ; car à la longue ils perdent leur humidité et deviennent moins pesants, quoiqu’ils aillent toujours au fond de l’eau : il est constant que, dans leur origine, ces charbons étaient des troncs d’arbres ; on ne peut manquer de s’en convaincre en les voyant dans la terre même ; la plupart conservent leurs racines et sont revêtus d’une écorce épaisse et rude ; ils ont des nœuds, des branches, etc. ; on y voit les cercles concentriques et les fibres longitudinales du bois. Les mêmes choses se remarquent dans les charbons du val d’Asno di sopra et du val de Cecina : ceux-ci sont seulement plus onctueux que les autres, et même le bitume dont ils sont imbibés s’est trouvé quelquefois en si grande abondance qu’ils en ont regorgé ; cette matière s’est fait jour à travers les troncs, a passé dans les racines et dans tous les vides de l’arbre, et y a formé une incrustation singulière qui imite la forme des pierreries ; elle compose des couches, de l’épaisseur d’une ligne au plus, partagées en petites écuelles rondes, aussi serrées l’une contre l’autre que le peuvent être des cercles : ces petites écuelles sont toutes de la même grandeur dans la même couche, et laissent apercevoir une cavité reluisante, unie, hémisphérique, qui se rétrécit par le fond, devient circulaire, ensuite cylindrique, et se termine en plan ; chacune de ces cavités est entièrement pleine d’un suc bitumineux, consolidé comme le reste du charbon fossile : ce suc, par la partie qui déborde la cavité, est aplani ; le reste prend la forme des parois qui le renferment, sans y être néanmoins attaché qu’au fond, où il finit en plan ; ce qui forme un petit corps qu’on peut détacher avec peu de force, comme avec la pointe d’une épingle dont on toucherait le bord : on le verrait sortir et montrer la figure hémisphérique en petits cylindres.