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ches et bleuâtres de ces agates sont presque opaques, et ne laissent pas apercevoir la transparence du fond de la pierre sur laquelle ces couches sont superposées parallèlement ou concentriquement, et presque toujours avec une épaisseur égale dans toute l’étendue de ces couches. Il y a aussi des onyx que l’on appelle agates œillées, et que les anciens avaient distinguées par des dénominations propres : ils nommaient triophthalmos et lycophthalmos[1] celles qui présentaient la forme de trois ou quatre petits yeux rouges, et donnaient le nom d’horminodes[2] à une agate qui présentait un cercle de couleur d’or au centre duquel était une tache verte.

Les Grecs[3], qui ont excellé dans tous les beaux-arts, avaient porté à un haut point de perfection la gravure en creux et en relief sur les pierres : ils recherchaient les belles agates onyx pour en faire des camées ; il nous reste plusieurs de ces pierres gravées dont nos connaisseurs ne peuvent se lasser d’admirer la beauté du travail, la correction du dessin, la netteté et la finesse du trait dans le relief, qui se détache si parfaitement du fond de la pierre qu’on le croirait fait à part, et ensuite collé sur cette même pierre ; ils choisissaient pour ces beaux camées les onyx blanches et rouges, ou de deux autres couleurs qui tranchaient fortement l’une sur l’autre. Il y a plusieurs agates qui n’ont que deux couches ou lits de couleurs différentes ; mais on en connaît d’autres qui ont trois et même quatre lits bien distincts[4] : du brun profond et noir, du blanc mat, du bleu clair et du jaune rougeâtre ; ces onyx de trois et quatre couleurs sont plus rares, et sont en plus petit volume que celles de deux couleurs qui se trouvent communément avec les autres agates ; les anciens tiraient de l’Égypte les plus belles onyx, et aujourd’hui l’on en trouve dans plusieurs provinces de l’Orient, et particulièrement en Arabie[5].


CALCÉDOINE

La calcédoine est encore une agate, mais moins belle que la cornaline, la sardoine et la prase ; elle est aussi moins transparente, et sa couleur est indécise, laiteuse et bleuâtre : cette pierre est donc fort au-dessous non seulement des cornalines et des sardoines, mais même des agates qui ne sont point laiteuses, et dont la demi-transparence est nette ; aussi donne-t-on le nom de calcédoine à toute agate dont la pâte est nuageuse et blanchâtre.

Les calcédoines en petites masses, grosses comme des lentilles ou des pois, sont très

  1. Plin., lib. xxxvii, nos 71 et 72.
  2. Plin., lib. xxxvii, no 60.
  3. Plusieurs artistes grecs s’immortalisèrent par la gravure sur pierres fines. Pline nomme Apollonide, Cronias, Dioscoride qui grava la tête d’Auguste, laquelle servit de sceau aux Césars ; mais le premier de ces artistes, ajoute-t-il, fut Pyrgotèle ; et Alexandre, par le même édit où il défendait à tout autre qu’à Apelle de le peindre, et à tout autre qu’à Lysippe de modeler sa statue, n’accordait qu’au seul Pyrgotèle l’honneur de graver son effigie. Voyez Pline, lib. xxxvii, no 4.
  4. « Lycophthalmos quatuor est colorum ex rutilo et sanguineo, in medio nigrum candido cingitur ut luporum oculi, illis per omnia similis. — Triophthalmos tres hominis simul oculos exprimens. » Plin., lib. xxxvii, nos 71 et 72. — « Horminodes ex argumento viriditatis in candida gemma vel nigra et aliquando pallida, ambiente circulo aurei coloris appellatur. » Idem, no 60.
  5. On trouve des onyx dans l’Yémen ; on voit beaucoup de ces pierres dans les chemins, entre Taœs et le mont Sumâra. Ayescha, la femme bien-aimée de Mahomet, avait un collier de ces pierres peu estimées aujourd’hui. Description de l’Arabie, par M. Niebuhr, p. 125.