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M. Demeste pense que cette couleur verte de la prase provient du mélange du cobalt, parce que cette pierre étant fondue avec deux parties de borax elle produit un beau verre bleu[1] ; mais peut-être cette couleur bleue provient du borax qui, comme je l’ai dit[2], contient des parties métalliques : on pourrait s’assurer du fait en fondant la prase sans borax, car, si elle donnait également un verre bleu, l’opinion de M. Demeste serait pleinement confirmée ; mais il est à croire que la prase serait, comme l’agate, très réfractaire au feu et qu’on ne pourrait la faire fondre sans addition soit du borax ou d’un autre fondant, et, dans ce cas, il faudrait employer un fondant purement salin qui ne contînt pas, comme le borax, des parties métalliques.

Au reste, quelques naturalistes ont donné le nom de prase à la prime d’émeraude qui n’est point une agate, mais un cristal vert, défectueux, inégalement coloré, et dont certaines parties, plus parfaites que les autres, sont de véritables et belles émeraudes : le nom de prase a donc été mal appliqué à cette substance, qui n’est qu’une émeraude imparfaite assez bien désignée par la dénomination de prime ou matrice d’émeraude.


ONYX

Le nom d’onyx[3], qu’on a donné de préférence aux agates dont les lits sont de couleurs différentes, pourrait s’appliquer assez généralement à toutes les pierres dont les couches superposées sont de diverses substances ou de couleurs différentes. Théophraste a caractérisé l’onyx en disant qu’elle est variée alternativement de blanc et de brun[4] ; mais il faut observer que quelquefois les anciens ont donné improprement le nom d’onyx à l’albâtre, et c’est faute de l’avoir remarqué que plusieurs modernes se sont perdus dans leurs conjectures au sujet de l’onyx des anciens, ne pouvant concilier des caractères qui, en effet, appartiennent à des substances très différentes.

De quelque couleur que soient les couches ou zones dont sont composées les onyx, pourvu que ces mêmes couches aient une certaine régularité, la pierre n’en est pas moins de la classe des onyx, à moins cependant qu’elles ne soient rouges ; car alors la pierre prend le nom de sardonyx ou sardoine-onyx[5] : ainsi la disposition des couleurs en couches ou zones fait le principal caractère des onyx, et les distingue des agates simples qui sont bien de la même nature, et peuvent offrir les mêmes couleurs, mais confuses, nuées ou disposées par taches et par veines irrégulières.

Il y a des jaspes, des cailloux opaques, et même des pierres à fusil, dans lesquels on voit des lits ou des veines de couleurs différentes, et qu’on peut mettre au nombre des onyx : ordinairement les agates-onyx, qui de toutes les pierres onyx sont les plus belles, n’ont néanmoins que peu de transparence, parce que les couches brunes, noires ou blan-

  1. Lettres de M. Demeste, etc., t. Ier, p. 484 et 485.
  2. Voyez l’article Borax, t. X, p. 433.
  3. Onyx, en grec, ongle ; et l’imagination des Grecs n’était pas restée en défaut sur cette dénomination pour lui former une origine élégante et mythologique. Un jour, disaient-ils, l’Amour, trouvant Vénus endormie, lui coupa les ongles avec le fer d’une de ses flèches et s’envola ; les rognures tombèrent sur le sable du rivage de l’Inde ; et, comme tout ce qui provient d’un corps céleste ne peut pas périr, les Parques les ramassèrent soigneusement et les changèrent en cette sorte de pierre qu’on appelle onyx. Voyez Robert de Berquen, Merveilles des Indes, p. 61.
  4. Lapid. et gemm., no 57.
  5. Hill., p. 122.