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SARDOINE

La sardoine ne diffère de la cornaline que par sa couleur qui n’est pas d’un rouge pur, mais d’un rouge orangé et plus ou moins mêlé de jaune : néanmoins, cette couleur orangée de la sardoine, quoique moins vive, est plus suave, plus agréable à l’œil que le rouge dur et sec de la cornaline ; mais, comme ces pierres sont de la même essence, on passe par nuances de l’orangé le plus faible au rouge le plus intense, c’est-à-dire de la sardoine la moins jaune à la cornaline la plus rouge, et l’on ne distingue pas l’une de l’autre dans les teintes intermédiaires entre l’orangé et le rouge, car ces deux pierres ont la même transparence, et leur densité, leur dureté et toutes leurs autres propriétés sont les mêmes ; enfin, toutes deux ne sont que de belles agates teintes par le fer en dissolution.

La sardoine est très anciennement connue ; Mithridate avait, dit-on, ramassé quatre mille échantillons de cette pierre, dont le nom, suivant certains auteurs, vient de celui de l’île de Sardaigne, où il s’en trouvait en assez grande quantité : il paraît que cette pierre était en grande estime chez les anciens[1] ; elle est en effet plus rare que la cornaline, et se trouve rarement en aussi grand volume.


PRASE

Cette pierre a été aussi célébrée par les anciens ; c’est une agate verte ou verdâtre, souvent tachée de blanc, de jaunâtre, de brun, et qui est quelquefois aussi transparente que les belles agates dont elle ne diffère que par le nom : les prases ne sont pas fort communes, cependant on en trouve non seulement en Asie, mais en Europe, et particulièrement en Silésie. M. Lehman a donné l’histoire et la description de cette prase de Silésie, ainsi que de la chrysoprase du même pays, qui n’est qu’une prase dont la couleur verte est mêlée de jaune[2]. Ce savant minéralogiste dit qu’on trouve les prases et les chrysoprases dans une terre argileuse verte, et souvent mêlées d’opale, de calcédoines et d’asbestes ; et, comme elles sont à très peu près de la même pesanteur spécifique[3], et qu’elles ont la même dureté et prennent le même poli que les agates, on doit les mettre au nombre des agates colorées : la cornaline l’est de rouge, la sardoine de jaune orangé, et la prase l’est de vert.

    met sur la plaie… On trouve souvent des pierres fort ressemblantes à l’akjk ou à la cornaline, parmi celles de Gamboye, qu’on nomme pierres de mockha, et dont on porte une grande quantité de Surate, tant à la Chine qu’en Europe. Description de l’Arabie, par M. Niebuhr, p. 125. Les plus belles cornalines sont celles que l’on apporte des environs de Babylone : ensuite viennent celles de Sardaigne ; les dernières sont celles du Rhin, de Bohême et de Silésie ; pour leur donner le plus grand brillant, on met dessous, en les montant, une feuille d’argent. Dictionnaire encyclopédique de Chambers.

  1. Polycrate, tyran de Samos, croyait expier suffisamment le bonheur dont la fortune s’était plu constamment à le combler, par le sacrifice volontaire d’une sardoine qu’il jeta dans la mer, et qui fut retrouvée dans les entrailles d’un poisson destiné pour la table de ce tyran. Pline, liv. xxxvii, chap. ier.
  2. Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1755.
  3. La pesanteur spécifique de l’agate orientale est de 25 091, et celle de la prase est de 25 805.