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Quoique les lapidaires, et d’après eux nos naturalistes, aient avancé qu’on doit distinguer les agates en orientales et occidentales, il est néanmoins très certain qu’on trouve dans l’Occident, et notamment en Allemagne, d’aussi belles agates que celles qu’on dit venir de l’Orient : et de même, il est très sûr qu’en Orient la plupart des agates sont entièrement semblables à nos agates d’Europe : on peut même dire qu’on trouve de ces pierres dans toutes les parties du monde, et dans tous les terrains où le quartz et le granit dominent, au nouveau continent comme dans l’ancien, et dans les contrées du nord comme dans celles du midi ; ainsi la distinction d’orientale et d’occidentale ne porte pas sur la différence du climat, mais seulement sur celle de la netteté et de l’éclat de certaines agates plus belles que les autres ; néanmoins l’essence de ces belles agates est la même que celle des agates communes, car leur pesanteur spécifique et leur dureté sont aussi à peu près les mêmes[1].

L’agate, suivant Théophraste, prit son nom du fleuve Achates en Sicile, où furent trouvées les premières agates ; mais l’on ne tarda pas à en découvrir en diverses autres contrées, et il paraît que les anciens connurent les plus belles variétés de ces pierres, puisqu’ils les avaient toutes dénommées[2], et que même, dans ce nombre, il en est quelques-unes qui semblent ne se plus trouver aujourd’hui[3] : quant aux prétendues agates odorantes, dont parlent ces mêmes anciens[4], ne doit-on pas les regarder comme des bitumes con-

    qui varient par les couleurs : les uns sont bruns, d’autres blanchâtres, gris, ou autrement colorés ; un de ces morceaux, qui est agatifié dans le centre et par un bout, est encore bois par l’autre bout ; on prétend même qu’il s’enflamme dans cette partie : nous n’en fîmes point l’expérience, elle fut proposée. Ces bois pétrifiés sont ordinairement des rondins de plus d’un demi-pied ou d’un pied de diamètre ; quantité d’autres ont plusieurs pieds de longueur et sont d’une grosseur considérable, ils prennent tous un poli brun et brillant. Idem, année 1763, p. 215. — Dans les terres du duc de Saxe-Cobourg, dit M. Schœpflin, qui sont sur les frontières de la Franconie et de la Saxe, à quelques lieues de la ville de Cobourg même, on a déterré depuis peu, à une petite profondeur, des arbres entiers pétrifiés, mais pétrifiés à un tel point de perfection qu’en les travaillant on trouve que cela fait une pierre aussi belle et aussi dure que l’agate. Les princes de Saxe qui ont passé ici m’en ont donné quelques morceaux, dont j’ai l’honneur de vous en envoyer deux pour le Cabinet du Jardin royal : ils m’ont montré de belles tabatières, des couteaux de chasse et des boîtes de toutes sortes de couleurs, faites de ces pétrifications : si les morceaux ne sont pas de conséquence, vous verrez pourtant par là mon attention à satisfaire à vos désirs. Lettres de M. Schœpflin à M. de Buffon ; Strasbourg, 27 septembre 1746. — On a trouvé, dit M. Neret fils, dans une montagne qui est auprès du village de Séry, en creusant à la source d’une fontaine, une très grande quantité de bois pétrifié qui était dans un sable argileux. Ces bois ne font point effervescence avec les acides ; on y distingue très bien l’endroit qui a été recouvert par l’écorce, il est toujours convexe, et considérablement piqué de vers qui, après avoir sillonné entre l’écorce et le bois, traversent toute l’épaisseur du morceau, et y sont agatisés. Journal de physique, avril 1781, p. 300.

  1. Voyez ci-dessus la Table des pesanteurs spécifiques des diverses agates.
  2. « Phassacates, cerachates, sardachates, hæmachates, leucachates, dendrochates, corallochates, etc. »
  3. Entre autres, celle qui, selon Pline, était « parsemée de points d’or » (à moins que ce ne soit l’aventurine), comme le lapis (Pline dit saphir ; mais nous verrons ci-après que son saphir est notre lapis), « et se trouvait abondamment dans l’île de Crète. Celles de Lesbos et de Messène, ainsi que du mont Œta et du mont Parnasse qui, par l’éclatante variété de leurs couleurs, semblaient le disputer à l’émail des fleurs champêtres ; celle d’Arabie qui, excepté sa dureté, avait toute l’apparence de l’ivoire et en offrait toute la blancheur. » Pline, liv. xxxvii, no 54.
  4. « Aromatites et ipsâ in Arabiâ traditur gigni, sed et in Ægypto circa Pysas ubique lapidosa myrrhæ coloris et odoris, ob hoc Reginis frequentata. » Plin., loc. cit., et auparavant il avait dit : « Autachates, cùm uritur, myrrham redolens. »