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elles ont les mêmes caractères que tous les autres sédiments de la stillation des eaux : on donne le nom d’onyx à celles qui présentent différentes couleurs en couches ou zones bien distinctes ; dans les autres, les couches sont moins apparentes, et les couleurs sont plus brouillées, même dans chaque couche, et il n’y a aucune agate, si ce n’est en petit volume, dont la couleur soit uniforme et la même dans toute son épaisseur, ce qui prouve que la matière dont les agates sont formées n’est pas simple, et que le quartz qui domine dans leur composition est mêlé de parties terreuses ou métalliques qui s’opposent à la cristallisation, et donnent à ces pierres les diverses couleurs et les teintes variées qu’elles nous présentent à la surface et dans l’intérieur de leur masse.

Lorsque le suc vitreux qui forme les agates se trouve en liberté dans un espace vide, il tombe sur le sol ou s’attache aux parois de cette cavité et y forme quelquefois des masses d’un assez grand volume[1] : il prend les mêmes formes que prennent toutes les autres concrétions ou stalactites ; mais, lorsqu’il rencontre des corps figurés et poreux, comme des os, des coquilles ou des morceaux de bois dont il peut pénétrer la substance, ce suc vitreux produit, comme le suc calcaire, des pétrifications qui conservent et présentent, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, la forme de l’os[2], de la coquille et du bois[3].

    remué. Voyages de Monconys ; Lyon, 1645, p. 386, première partie. — Je conjecture, dit M. de Bondaroy, que dans les agates la surface extérieure s’étant durcie la première, l’eau pétrifiante s’est déposée intérieurement ; cette eau a presque rempli la capacité de ces pierres ; il est resté une bulle d’air qui a produit le même effet que dans les tubes qui servent de niveau ; une preuve que cette bulle est de l’air qui nage dans l’eau, c’est qu’en tournant la pierre, la bulle, plus légère que l’eau, monte et gagne la partie la plus élevée de la pierre : si vous la retournez, la bulle, du bas où vous l’avez portée, remonte encore à la partie supérieure de l’agate ; la bulle change un peu de forme dans les différents mouvements qu’on lui fait éprouver ; enfin, ces pierres produisent le même effet que les niveaux d’eau à bulles d’air, et je crois que ceux qui ont parlé de ce fait dans les cristaux ne l’ont pas expliqué de cette manière, faute d’avoir été à portée d’examiner des pierres où il se rencontrait… J’ai vu le même fait dans des morceaux d’ambre ; enfin, je l’ai observé dans une partie de glace où il s’était rencontré une bulle que l’on pouvait faire mouvoir.

    Cette eau se dépose avec le temps, et forme des cristallisations dans l’intérieur des agates : dès lors, le phénomène disparaît, et je n’ai plus trouvé d’eau dans les pierres qui n’avaient plus de bulles… Je crois devoir ajouter ici qu’au lieu de bulles d’air ou d’eau, je connais des agates qui, dans leur intérieur, renferment des grains de sable qui se meuvent dans ces pierres. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1776, p. 687 et suiv.

  1. Du côté de Pinczovia et de Niesvetz en Lithuanie, on trouve quelques agates onyx, des sardoines, des calcédoines, et une pierre qu’on pourrait peut-être regarder comme une aventurine. Le fond de cette pierre, dit M. Guettard, est blanc, gris, brun, rouge ou de quelque autre couleur, et parsemé d’une quantité de petites paillettes argentées ou dorées. J’ai vu de toutes ces pierres travaillées en tabatières, pommes de cannes, poignées de sabre, tasses, soucoupes, etc. ; en un mot, on fait, dans les manufactures du prince Radzivil, travailler ces pierres avec beaucoup de soin, et on leur donne un très beau poli ; il est depuis peu sorti de cette manufacture un cabaret à café dont le plateau est d’un seul morceau d’une de ces pierres, et assez grand pour qu’on puisse y placer six tasses avec leurs soucoupes, la cafetière, et même une théière, qui sont tous d’une pareille pierre : ce cabaret a été présenté au roi de Pologne par le prince Radzivill. M. Guettard, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 243.
  2. J’ai vu dans un Cabinet à Livourne, dit M. de La Condamine, un fragment de mâchoire d’éléphant, pétrifié en agate, pesant près de vingt livres. J’ai parlé ailleurs d’une dent molaire (on ne sait de quel animal) du poids de deux ou trois livres, pareillement convertie en agate, trouvée au Tucuman, dans l’Amérique méridionale, où il n’y a point d’éléphants. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1757, p. 346.
  3. Ce qui m’a le plus frappé à Vienne, dans le Cabinet de l’Empereur, dit M. Guettard, est une quantité de morceaux de bois pétrifié, qui sont devenus plus ou moins agates, et