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de l’avis de cet habile chimiste sur l’origine des tourmalines qu’il range avec les basaltes et qu’il regarde comme des produits volcaniques : cette idée n’est fondée que sur quelques ressemblances accidentelles entre ces pierres et ces basaltes ; mais leur essence et leur formation sont très différentes, et toutes les propriétés de ces pierres nous démontrent qu’elles proviennent du schorl, ou qu’elles sont elles-mêmes des schorls.

Il paraît que M. Wilkes est le premier qui ait découvert des tourmalines dans les montagnes du Tyrol. M. Muller nous en a donné peu de temps après une description particulière[1] : ces tourmalines du Tyrol paraissent être de vrais schorls, tant par leur pesanteur spécifique et leur fusibilité[2], que par leur forme de cristallisation[3] ; elles acquièrent la vertu électrique sans frottement et par la simple chaleur[4], elles ressemblent en tout

    les laves ont les mêmes principes que la tourmaline et le basalte, on peut croire avec plusieurs naturalistes que ces cristaux doivent leur origine à des volcans, du moins pour la plupart. Journal de physique, supplément au mois de juillet 1782.

  1. La montagne nommée Greiner, située vers l’extrémité de la vallée de Zillerthal, a son sommet le plus élevé couvert de neige en tout temps ; c’est sur cette montagne que M. Muller dit avoir trouvé dans leur lieu natal le talc, le mica à grandes lames, l’asbeste, le schorl, le schorl blende, les grenats de fer et la tourmaline ; en descendant, il ramassa une petite pierre qui avait quelque éclat et qu’il prit d’abord pour un beau schorl noir cristallisé et transparent ; il voulut chercher l’endroit d’où elle provenait, et il rencontra bientôt, dans les rochers de granit, des veines de talc fin et de stéatite, qui renfermaient la pierre qu’il avait prise pour un schorl noir ; il se procura une bonne quantité de cette pierre, qui, ayant été soumise à l’action du feu et parvenue à l’état d’incandescence, commença à se fondre à sa surface, en prenant une couleur blanchâtre ; un petit fragment de cette pierre, mis ensuite sur la cendre chaude, apprit à M. Muller qu’elle avait une qualité électrique, et enfin par différents essais il découvrit que cette pierre était la vraie tourmaline.

    Cette tourmaline est brune, couleur de fumée, ou plutôt sa transparence et sa couleur lui donnent, quant à ces deux qualités, quelque chose d’approchant de la colophane ; et, de même que les tourmalines étrangères connues jusqu’ici, elle présente partout de petites fêlures qui ne se remarquent cependant que lorsqu’elle est dégagée de sa matrice. Lettre sur la tourmaline du Tyrol, par M. Muller ; Journal de physique, mars 1870, p. 182 et suiv.

  2. La tourmaline du Tyrol, fondue à l’aide d’un chalumeau, bouillonne comme le borax, et alors elle jette une très belle lueur phosphorique ; elle se fond très promptement et, refroidie, elle a la forme d’une perle blanche et demi-transparente. Idem, ibidem.
  3. La forme de notre tourmaline, dit M. Muller, est en général prismatique ; au moins n’ai-je encore trouvé que deux échantillons qui fussent des pyramides parfaites : presque toujours les prismes sont à neuf pans, et ils ont douze faces, si on compte leur base… Les côtés des cristaux de la tourmaline sont tantôt plus larges, tantôt plus étroits, et rarement deux côtés de la même largeur se trouvent contigus : leurs pointes, qui sont émoussées et inégales, ont pour la plupart une très forte adhérence à la matière pierreuse dont ces cristaux sont environnés. Les côtés des prismes ont une surface brillante… Ces prismes sont longs de plus de trois pouces, et épais depuis deux jusqu’à cinq lignes ; la pierre ollaire qui leur sert de matrice est verdâtre ou tout à fait blanche : ils y sont incorporés les uns auprès des autres en tout sens… Mais les plus épais et les plus minces se rencontrent rarement ensemble ; ces prismes se dégagent sans peine de leur matrice dans laquelle ils laissent leurs empreintes, qui sont aussi brillantes que si on les avait polies… Mais tous ces prismes ont des fêlures qui empêchent que l’on puisse se les procurer en entier, parce qu’ils se cassent souvent dans l’endroit de ces fêlures… Les deux nouvelles surfaces de la pierre présentent d’une part une convexité, et de l’autre une concavité comme le verre lorsqu’on le brise. Idem, ibidem.
  4. Pour peu qu’elle soit chauffée, elle manifeste sa qualité électrique ; cette vertu augmente jusqu’à ce qu’elle ait acquis à peu près le degré de chaleur de l’eau bouillante ; et à ce degré de chaleur l’atmosphère électrique s’étendait des pôles de la pierre à la distance d’environ un pouce. Notre tourmaline, fortement grillée sous la moufle, ne perd rien de son