Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais la plupart sont d’un jaune enfumé, et même brunes ou noirâtres : elles se trouvent quelquefois en groupes, et souvent en cristaux isolés[1] ; mais les unes et les autres ont été détachées du rocher où elles ont pris naissance comme les autres cristaux vitreux. M. Romé de Lisle dit avec raison que « l’on donne quelquefois le nom d’hyacinthe orientale à des rubis d’Orient de couleur orangée, ou à des jargons de Ceylan, dont la teinte jaune est mêlée de rouge, de même qu’on donne aussi quelquefois aux topazes orangées du Brésil le nom d’hyacinthe occidentale ou de Portugal ; mais l’hyacinthe vraie ou proprement dite est une pierre qui diffère de toutes les précédentes, moins par sa couleur, qui est très variable, que par sa forme, sa dureté et sa gravité spécifique[2]. »

Et en effet, quoiqu’il n’y ait à vrai dire qu’une seule et même essence dans les pierres précieuses, et que communément elles soient teintes de rouge, de jaune ou de bleu, ce qui nous les fait distinguer par les noms de rubis, topazes et saphirs, on ne peut guère douter qu’il ne se trouve aussi dans les climats chauds des pierres de même essence, teintes de jaune mêlé d’un peu de rouge, auxquelles on aura donné la dénomination d’hyacinthes orientales ; d’autres teintes de violet, et mêmes d’autres de vert, qu’on aura de même dénommées améthystes et émeraudes orientales ; mais ces pierres précieuses, de quelque couleur qu’elles soient, seront toujours très aisées à distinguer de toutes les autres par leur dureté, leur densité, et surtout par l’homogénéité de leur substance qui n’admet qu’une seule réfraction, tandis que toutes les pierres vitreuses dont nous venons de faire l’énumération sont moins dures, moins denses et, en même temps, sujettes à la double réfraction.


TOURMALINE[3]

Cette pierre était peu connue avant la publication d’une lettre que M. le duc de Noya-Caraffa m’a fait l’honneur de m’écrire de Naples, et qu’il a fait ensuite imprimer à Paris, en 1759. Il expose, dans cette lettre, les observations et les expériences qu’il a faites sur deux de ces pierres qu’il avait reçues de Ceylan : leur principale propriété est de devenir électriques sans frottement et par la simple chaleur[4] ; cette électricité, que le feu leur communique, se manifeste par attraction sur l’une des faces de cette pierre, et par répulsion sur la face opposée, comme dans les corps électriques par le frottement dont l’électricité s’exerce en plus et en moins et agit positivement et négativement sur différentes faces ; mais cette faculté de devenir électrique sans frottement et par la simple chaleur, qu’on a

  1. Ces hyacinthes jaunâtres sont assez souvent groupées dans les cavités des roches quartzeuses ou feldspathiques qui ont été détachées des entrailles du volcan, sans avoir trop souffert de l’action du feu. Cette action a bien été assez violente pour les altérer plus ou moins, mais non pour les dénaturer entièrement. Les angles des cristaux ont conservé leur tranchant, les faces leur poli, et le quartz ou feldspath sa blancheur et sa solidité. Lettres du docteur Demeste, t. Ier, p. 416.
  2. Cristallographie, par M. Romé de Lisle, t. II, p. 282.
  3. Tourmaline ou tire-cendre : cette pierre est ainsi dénommée, parce qu’elle a la propriété d’attirer les cendres et autres corps légers, sans être frottée, mais seulement chauffée ; sa forme est la même que celle de certains schorls, tels que les péridots et les émeraudes du Brésil ; elle ne diffère en effet des schorls que par son électricité qui est plus forte et plus constante que dans toutes les autres pierres de ce même genre.
  4. Pline parle (liv. xxxvii, no 29) d’une pierre violette ou brune (jonia), qui, échauffée par le frottement entre les doigts, ou simplement chauffée aux rayons du soleil, acquiert la propriété d’attirer les corps légers. N’est-ce point là la tourmaline ?