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La pierre à laquelle les anciens ont donné le nom de carbunculus, et que nous avons traduit par le mot escarboucle, est vraisemblablement un grenat d’un beau rouge et d’une belle transparence ; car cette pierre brille d’un feu très vif quand on l’expose aux rayons du soleil[1] ; elle conserve même assez de temps la lumière dont elle s’imbibe pour briller ensuite dans l’obscurité et luire encore pendant la nuit[2]. Cependant le diamant et les autres pierres précieuses jouissent plus ou moins de cette même propriété de conserver pendant quelque temps la lumière du soleil, et même celle du jour qui les pénètre et s’y fixe pour quelques heures ; mais, comme le mot latin carbunculus indique une substance couleur de feu, on ne peut l’appliquer qu’au rubis ou au grenat, et les rubis étant plus rares et en plus petit volume que les grenats, nous nous croyons bien fondés à croire que l’escarboucle des anciens était un vrai grenat d’un grand volume, et tel qu’ils ont décrit leur carbunculus.

La grandeur des grenats varie presque autant que celle des cristaux de roche ; il y en a de si petits qu’on ne peut les distinguer qu’à la loupe, et d’autres ont plusieurs pouces et jusqu’à un pied de diamètre ; ils se trouvent également dans les fentes des rochers vitreux, les petits en cristallisation régulière, et les plus gros en forme indéterminée ou bien en cristallisation confuse ; en général, ils n’affectent spécialement aucune forme particulière ; les uns sont rhomboïdaux ; d’autres sont octaèdres, dodécaèdres ; d’autres ont quatorze, vingt-quatre et trente-six faces[3] : ainsi la forme de cristallisation ne peut servir à les reconnaître et distinguer des autres cristaux.

Il y a des grenats si transparents et d’une si belle couleur qu’on les prendrait pour des

    ceux de Bohême sont d’un rouge très foncé. On en trouve en Saxe et dans le Tyrol qui sont verdâtres, peu ou point transparents, souvent même entièrement opaques. Leur gangue ordinaire est le quartz ou le feldspath, et surtout le mica : j’en ai vu d’une grosseur extraordinaire, d’un rouge foncé, qui étaient aussi recouverts de mica. Idem.

  1. L’escarboucle garamantine des anciens est le véritable grenat des modernes. L’expérience fait voir que cette pierre a plus l’apparence d’un charbon ardent au soleil que le rubis, ou toute autre pierre précieuse de couleur rouge. Voyez Hill, sur Théophraste, p. 61.
  2. Je ne sais cependant si l’on doit accorder une entière confiance à ce que je vais rapporter ici : « Dans une des salles du palais du roi de la Chine, il y a une infinité de pierreries sans prix, et un siège ou trône précieux où le roi s’assied en majesté. Il est fait d’un beau marbre dans lequel il y a tant d’escarboucles et d’autres pierreries des plus rares, ouvragées et enchâssées, que, durant la plus obscure nuit, elles éclairent autant la salle que s’il y avait un grand nombre de chandelles allumées. » Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la Compagnie des Indes ; Amsterdam, 1702, t. III, p. 440.
  3. Il y a des grenats tessulaires dodécaèdres dont les plans sont des rhombes.

    Il y en a d’autres à 36 facettes, dont 24 hexagones, allongées plus petites que les 12 rhombes.

    Il y a des grenats trapézoïdaux ou grenats tessulaires à 24 facettes, dont les plans sont des trapézoïdes.

    M. Faujas de Saint-Fond fait mention de six variétés de grenats.

    La première d’un rouge couleur de feu, décaèdre, formée par un prisme court hexaèdre, terminé par des pyramides trièdres obtuses.

    La seconde à 12 facettes et à prisme allongé, qui est d’un très beau rouge, légèrement jaunâtre ; cette espèce semble tenir le milieu entre le grenat et l’hyacinthe, et se rapprocher de celle que les Italiens nomment giacinto-guarnallino hyacinthe-grenat.

    Deux autres de même forme, mais dont l’un a perdu sa couleur et est blanc et cristallin.

    Un autre à prisme court hexagone, terminé par deux pyramides pentagones, dont les faces sont la plupart rhomboïdales ou à 5 côtés, ce qui forme un grenat à 16 facettes.

    Un autre avec un pareil nombre de facettes, mais dont le prisme très allongé a huit faces terminées à chaque bout par une pyramide aiguë et en pointe des quatre côtés. Recherches sur les volcans éteints, par M. Faujas de Saint-Fond.