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sont mélangés était réduit en rouille, et avait perdu son magnétisme lorsqu’il est entré dans leur composition.

Ainsi le fer donne non seulement la couleur, mais la pesanteur aux grenats : on pourrait donc les regarder comme des stalactites de ce métal, et nous ne les rapportons ici à celles du schorl qu’à cause des autres propriétés qui leur sont communes, et des circonstances de leur formation qui semblent être les mêmes. La forme des grenats varie presque autant que celle des schorls de seconde formation ; leur substance vitreuse est toujours mêlée d’une certaine quantité de particules ferrugineuses, et les uns et les autres sont attirables à l’aimant, lorsque ces particules de fer sont dans leur état de magnétisme.

Les grenats, comme les schorls de seconde formation, se présentent quelquefois en assez gros groupes, mais plus souvent en cristaux isolés et logés dans les fentes et cavités des rochers vitreux, dans les schistes micacés et dans les autres concrétions du quartz, du feldspath et du mica ; et, comme ils sont disséminés en grand nombre dans les premières couches de la terre, on les retrouve dans les laves et dans les déjections volcaniques. La chaleur de la lave en fusion change leur couleur de rouge en blanc, mais n’est pas assez forte pour les fondre, ils y conservent leur forme et perdent seulement avec leur couleur une grande partie de leur poids[1] ; ils sont aussi bien plus réfractaires au feu : la grande chaleur qu’ils éprouvent, lorsqu’ils sont saisis par la lave en fusion, suffit pour brûler le fer qu’ils contenaient, et réduire par conséquent leur densité à celle des autres matières vitreuses, car on ne peut douter que le fond de la substance du grenat ne soit vitreux ; il étincelle sous le briquet, il résiste aux acides, il a la cassure vitreuse, il est aussi dur que le cristal, et, s’il n’était pas chargé de fer, il aurait toutes les qualités de nos verres primitifs.

Si le fer n’entrait qu’en vapeur dans les grenats pour leur donner la couleur, leur pesanteur spécifique n’en serait que très peu ou point augmentée ; le fer y réside donc en parties massives, et c’est de ce mélange que provient leur grande densité : en les exposant à un feu violent et longtemps soutenu, le fer se brûle et se dissipe, la couleur rouge disparaît, et, lorsqu’on leur fait subir une longue et plus violente action du feu, ils se fondent et se convertissent en une sorte d’émail[2].

  1. La pesanteur spécifique du grenat volcanisé n’est que de 24 684, au lieu que celle du grenat ordinaire est de 41 888. Voyez la Table de M. Brisson. — Rien de plus commun que les grenats à vingt-quatre faces, dans les laves et autres produits volcaniques de l’Italie. Tantôt ils s’y trouvent plus décolorés par l’action de l’acide marin et quelquefois comme à demi vitrifiés : tantôt ils sont encore plus décomposés et à l’état d’argile blanche ou de terre non effervescente avec l’acide nitreux, mais, dans l’un ou l’autre cas, ils conservent leur forme granatique, et, quoique les grenats semblent avoir souffert un retrait ou une légère dépression qui rend l’arête des bords plus saillante, leur forme trapézoïdale, loin d’en être altérée, n’en devient que plus sensible. Lettres du docteur Demeste au docteur Bernard, t. Ier, p. 393 et suiv.
  2. Ce n’est en effet qu’à un feu libre et très violent ou très longtemps soutenu que le grenat perd sa couleur, car on peut émailler sur cette pierre sans qu’elle se décolore et sans qu’elle perde son poli ; et je me suis assuré qu’il fallait un feu violent pour diminuer la densité du grenat et brûler le fer qu’il contient. J’ai prié M. de Fourcroy, l’un de nos plus habiles chimistes, d’en faire l’expérience. Il a exposé, dans une coupelle pesant trois gros vingt-cinq grains, douze grains de grenat en poudre. Après trois heures d’un feu très fort, pendant lequel on n’a aperçu ni vapeur, ni flamme, ni décrépitation, ni fusion sensible dans la matière, le grenat a commencé à se ramollir et à se boursoufler légèrement. Le feu ayant été continué pendant huit heures en tout, le grenat n’a pas éprouvé une fusion plus forte, et il est resté constamment dans l’état de ramollissement déjà indiqué. L’appareil refroidi a présenté une matière rougeâtre, agglutinée, adhérente à la coupelle.