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STALACTITES CRISTALLISÉES
DU SCHORL

Le schorl diffère du quartz et ressemble au feldspath par sa fusibilité, et il surpasse de beaucoup en densité les quatre autres verres primitifs ; nous rapporterons donc au schorl les pierres transparentes qui ont ces mêmes propriétés : ainsi nous reconnaîtrons les produits du schorl par leur densité et par leur fusibilité, et nous verrons que toutes les matières vitreuses qui sont spécifiquement plus pesantes que le quartz, les jaspes, le mica et le feldspath, proviennent du schorl en tout ou en partie. C’est sur ce fondement que je rapporte au schorl plutôt qu’au feldspath les émeraudes, les péridots, le saphir du Brésil, etc.

J’ai déjà dit que les couleurs dont les pierres transparentes sont teintes n’influent pas sensiblement sur leur pesanteur spécifique : ainsi l’on aurait tort de prétendre que c’est au mélange des matières métalliques qui sont entrées dans la composition des péridots, des émeraudes et du saphir du Brésil, qu’on doit attribuer leur densité plus grande que celle du cristal, et dès lors, nous sommes bien fondés à rapporter ce surplus de densité au mélange du schorl, qui est le plus pesant de tous les verres primitifs.

Les extraits ou stalactites du schorl sont donc toujours reconnaissables par leur densité et leur fusibilité, ce qui les distingue des autres cristaux vitreux avec lesquels ils ont néanmoins le caractère commun de la double réfraction.


ÉMERAUDE

L’émeraude, qui, par son brillant éclat et sa couleur suave a toujours été regardée comme une pierre précieuse, doit néanmoins être mise au nombre des cristaux du quartz mêle de schorl : 1o parce que sa densité est moindre d’un tiers que celle des vraies pierres précieuses, et qu’en même temps elle est un peu plus grande que celle du cristal de rocher[1] ; 2o parce que sa dureté n’est pas comparable à celle du rubis, de la topaze et du saphir d’Orient, puisque l’émeraude n’est guère plus dure que le cristal ; 3o parce que cette pierre, mise au foyer du miroir ardent, se fond et se convertit en une masse vitreuse, ce qui prouve que sa substance quartzeuse est mêlée de feldspath ou de schorl[2] qui l’ont rendue fusible ; mais la densité du feldspath étant moindre que celle du cristal, et celle de l’émeraude étant plus grande, on ne peut attribuer qu’au mélange du schorl cette fusibilité de l’émeraude ; 4o parce que les émeraudes croissent, comme tous les

  1. La pesanteur spécifique de l’émeraude du Pérou est de 27 755, et celle du cristal de roche de 26 548. Table de M. Brisson.
  2. L’émeraude exposée au foyer lenticulaire s’y est fondue et arrondie en trois minutes ; elle est devenue d’un bleu terne avec quelques taches blanchâtres. Cette expérience a été faite avec la lentille à l’esprit-de-vin de M. de Bernières. Voyez la Gazette des arts, du 27 juin 1776.