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geuses, laiteuses et presque opaques, la pâte opaline semble s’épaissir et se rapprocher de celle de la calcédoine : au contraire, cette même pâte s’éclaircit quelquefois de manière à n’offrir plus que l’apparence vitreuse et les teintes claires et lumineuses d’un feldspath chatoyant et coloré ; et ces nuances, comme l’a très bien observé Boëce, se trouvent souvent réunies et fondues dans un seul et même morceau d’opale brute. Le même auteur parle des opales noires comme des plus rares et des plus superbes par l’éclat du feu qui jaillit de leur fond sombre[1].

On trouve des opales en Hongrie[2], en Misnie[3] et dans quelques îles de la Méditerranée[4]. Les anciens tiraient cette pierre de l’Orient, d’où il en vient encore aujourd’hui, et nos lapidaires distinguent les opales, ainsi que plusieurs autres pierres, en orientales et en occidentales, mais cette distinction n’est pas bien énoncée ; car ce n’est que sur le plus ou le moins de beauté de ces pierres que portent les dénominations d’orientales et d’occidentales, et non sur le climat où elles se trouvent, puisque, dans nos opales d’Europe, il s’en rencontre de belles parmi les communes, de même qu’à Ceylan et dans les autres contrées de l’Inde on trouve beaucoup d’opales communes parmi les plus belles : ainsi cette distinction de dénominations, adoptée par les lapidaires, doit être rejetée par les naturalistes, puisqu’on pourrait la croire fondée sur une différence essentielle de climats, tandis qu’elle ne l’est que sur la différence accidentelle de l’éclat ou de la beauté.

Au reste, l’opale est certainement une pierre vitreuse de seconde formation, et qui a été produite par l’intermède de l’eau : sa gangue est une terre jaunâtre qui ne fait point d’effervescence avec les acides ; les opales renferment souvent des gouttes d’eau. M. Fougeroux de Bondaroy, l’un de nos savants académiciens, a sacrifié à son instruction quelques opales, et les a fait casser pour recueillir l’eau qu’elles renfermaient : cette eau s’est trouvée pure et limpide comme dans les cailloux creux et les enhydres[5]. Il se trouve

    Boëce dit en avoir vu une, de la grosseur d’une petite noix, dont il fait monter la valeur à une grande somme de thalers.

    Elle croît dans les Indes, dans l’Arabie, l’Égypte et en Chypre. Et à l’égard de celles de Bohême, quoiqu’elles soient grandes, elles sont néanmoins si peu vives en couleurs, qu’elles ne sont guère estimées. Merveilles des Indes, par Robert de Berquen, p. 44 et 45.

  1. Boëce de Boot dit avoir en sa possession une très petite opale noire, et en avoir vu une autre de la grosseur d’un gros poids et qui rendait un feu comparable à celui du plus beau grenat. (Lapid. et gemm. hist., p. 192.). Nous avouons n’avoir pas vu et ne pas connaître cette espèce d’opale, quoique après un témoignage aussi positif on ne puisse pas, ce semble, douter de son existence.
  2. Voyage de Tavernier, t. IV, p. 41. Boëce de Boot dit que de son temps « la seule mine que l’on en connût en Hongrie effondra et fut enfuie sous ses ruines. » Lapid. et gemm. hist., p. 193.
  3. À Freyberg.
  4. L’île de Tassos, appelée aujourd’hui Tasso, produit de fort belles opales, qui sont une sorte de pierre précieuse. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 154.
  5. Je me suis trouvé à portée d’observer ce fait dans des opales… Celles que j’ai observées ont été tirées du mont Berico, dans le Vicentin, dont le terrain offre des traces de volcan dans plusieurs endroits. Je n’assure cependant pas que ces opales doivent leur origine à des volcans : beaucoup de ces pierres n’offrent point de bulles mobiles, et ce n’est que dans la quantité, lorsqu’on les a polies, que la bulle se voit dans quelques-unes.

    Ces espèces d’agates perdent avec le temps la bulle qui fixe maintenant notre attention ; on pourrait croire que celles-là avaient quelques fentes ou qu’il s’y est formé quelques crevasses qui, donnant issue à l’eau, empêchaient la bulle d’air de s’y mouvoir comme elle le faisait auparavant.

    J’ai exposé ces opales, où l’on n’apercevait plus le mouvement de la bulle, à une douce chaleur ; je les ai laissées dans de l’eau que j’ai fait longtemps bouillir, j’ai fait chauffer une