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nuance entre les feldspaths et les opales qui sont encore plus mélangées de parties micacées ; car l’œil de loup n’étincelle pas par paillettes variées comme l’aventurine ou l’opale, mais il luit d’une lumière pleine et sombre ; ses reflets verdâtres semblent sortir d’un fond rougeâtre, et on pourrait prendre cette pierre pour une variété colorée de la pierre œil de poisson, ou pour une aventurine sans accident, sans aventure de couleurs, si sa densité n’était pas fort au-dessous de celle de ces pierres. Nous la regarderons donc comme un des produits ou stalactites, mais des moins pures et des plus mélangées, du feldspath. Sa teinte foncée et obscure ne laisse à ses reflets que fort peu d’éclat, et cette pierre, quoique assez rare, dont nous avons au Cabinet du Roi deux grands échantillons, n’a que peu de valeur.


AVENTURINE

Le feldspath et toutes les pierres transparentes qui en tirent leur origine ont des reflets chatoyants ; mais il y a encore d’autres pierres qui réunissent à la lumière flottante et variée du chatoiement des couleurs fixes, vives et intenses, telles que nous les présentent les aventurines et les opales.

La pesanteur spécifique des aventurines est à très peu près la même que celle du feldspath[1] : la plupart de ces pierres, encore plus brillantes que chatoyantes, paraissent être semées de petites paillettes rouges, jaunes et bleues, sur un fond de couleur plus ou moins rouge ; les plus belles aventurines ne sont néanmoins qu’a demi transparentes ; les autres sont plus ou moins opaques, et je ne les rapporte au feldspath qu’à cause de leurs reflets légèrement chatoyants et de leur densité qui est à très peu près la même ; car les unes et les autres pourraient bien participer de la nature du mica, dont les paillettes brillantes contenues dans ces pierres paraissent être des parcelles colorées.


OPALE

De toutes les pierres chatoyantes l’opale est la plus belle ; cependant, elle n’a ni la dureté ni l’éclat des vraies pierres précieuses, mais la lumière qui la pénètre s’anime des plus agréables couleurs, et semble se promener en reflets ondoyants, et l’œil est encore moins ébloui que flatté de l’effet suave de ses beautés. Pline s’arrête avec complaisance à les peindre : « C’est, dit-il, le feu de l’escarboucle, le pourpre de l’améthyste, le vert éclatant de l’émeraude, brillant ensemble, et tantôt séparés, tantôt unis par le plus admirable mélange[2]. » Ce n’est pas tout encore : le bleu et l’orangé viennent sous certains aspects se joindre à ces couleurs, et toutes prennent plus de fraîcheur du blanc et luisant sur lequel elles jouent, et dont elles ne semblent sortir que pour y rentrer et jouer de nouveau.

Ces reflets colorés sont produits par le brisement des rayons de lumière mille fois réfléchis, rompus et renvoyés de tous les petits plans des lames dont l’opale est composée ; ils

  1. Feldspath, 26 466 ; aventurine demi-transparente, 26 667 ; aventurine opaque, 26 426. Table de M. Brisson.
  2. « Est in iis carbunculi tenuior ignis, est amethysti fulgens purpura et smaragdi virons mare, et cuncta pariter incredibili mixturâ lucentia. » Lib. xxxvii, cap. vi.