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Rochon a rapporté de cette île une grosse et belle aiguille à deux pointes de ce cristal : on peut la voir au Cabinet du Roi.

Dans le nouveau continent, le cristal de roche est tout aussi commun que dans l’ancien ; on en a trouvé à Saint-Domingue[1], en Virginie[2], au Mexique et au Pérou[3], où M. d’Ulloa dit en avoir vu des morceaux fort grands et très nets : ce savant naturaliste marque même sa surprise de ce qu’on ne le recherche pas, et que c’est le hasard seul qui en fait quelquefois trouver de grosses masses[4]. Enfin, il y a du cristal dans les pays les plus froids comme dans les climats tempérés et chauds ; on a recueilli, en Laponie et au Canada des cristaux roulés tout semblables à ceux de Bristol, et l’on y a vu d’autres cristaux en aiguilles et en grosses quilles[5] : ainsi, dans tous les pays du monde, il se produit du cristal, soit dans les cavités des rochers quartzeux, soit dans les fentes perpendiculaires qui les divisent ; et celui qui se présente dans les cailloux creux et dans les pierres graniteuses provient aussi du quartz qui fait partie de la substance de ces cailloux et pierres mixtes.

L’extrait le plus pur du quartz est donc le cristal blanc ; et, quoique les cristaux colorés en tirent également leur origine, ils n’en ont pas tiré leurs couleurs ; elles leur sont accidentelles, et ils les ont empruntées des terres métalliques qui étaient interposées dans la masse du quartz, ou qui se sont trouvées dans le lieu de la formation des cristaux ; mais cela n’empêche pas qu’on ne doive mettre au nombre des extraits ou stalactites du quartz tous ces cristaux colorés : la quantité des molécules métalliques dont ils sont imprégnés, et qui leur ont donné des couleurs, ne fait que peu ou point d’augmentation à leur masse ; car tous les cristaux, de quelque couleur qu’ils soient, ont à très peu près la même densité que le cristal blanc. Et comme les améthystes, la topaze de Bohême, la chrysolithe et l’aigue-marine ont la même densité, la même dureté, la même double réfraction, et qu’elles sont également résistantes à l’action du feu, on peut sans hésiter les regarder comme de vrais cristaux, et l’on ne doit pas les élever au rang des pierres précieuses qui n’ont qu’une simple réfraction et dont la densité, la dureté et l’origine sont très différentes de celles des cristaux vitreux.


AMÉTHYSTE

Toutes les améthystes ne sont que des cristaux de roche teints de violet ou de pourpre : elles ont la même densité[6], la même dureté, la même double réfraction que le cristal ; elles sont aussi également réfractaires au feu. Les améthystes violettes sont les plus communes, et dans la plupart cette couleur n’a pas la même intensité partout, souvent même une partie de la pierre est violette et le reste est blanc : il semble que, dans la formation de ce cristal, la teinture métallique qui a coloré la pyramide ait manqué pour teindre le prisme ; aussi cette teinture s’affaiblit par nuances du violet au blanc dans le plus grand nombre de ces pierres ; on le voit évidemment en tranchant horizontalement une table de

  1. Histoire générale des Voyages, t. XII, p. 218.
  2. Idem, t. XIV, p. 408.
  3. Idem, t. XII, p. 648.
  4. Idem, t. XIV, p. 408.
  5. Voyez la Relation du Père Charlevoix, et les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1752, p. 197.
  6. La pesanteur spécifique de l’améthyste est de 26 535, celle du cristal de roche d’Europe de 26 548, et celle du cristal de roche de Madagascar de 26 530.